Aimer Zombie Zombie aux premiers jours de leur popularité, c'était presque trop facile. Apparus en pleine bourrasque de passions pour les oeuvres au synthé récemment excavées de Goblin, Fabio Frizzi ou John Carpenter, nos deux indie rockers criaient leur amour aux créatures génialement métaphoriques de Georges A. Romero mais deux fois de suite, d'abord pour se démarquer de la concurrence, ensuite pour faire coucou à Fela, surtout pour conjurer la Malédiction rétromaniaque de notre époque. A y repenser avec le recul, le tour de passe-passe avait sûrement quelque chose à voir avec la magie noire. En une incantation à peine digne de Beetlejuice, Etienne Jaumet et Cosmic Neman simplifiaient comme par miracle tout notre rapport très compliqué à cette quincaillerie onirique qu'est la musique instrumentale synthétique de la fin des années 70 jusqu'au milieu des années 80, surtout quand elle servait à accompagner des images sépia avec de l'hemoglobine dedans...Avec le recul, on mesure aussi l'étrangeté du lieu de l'événement. Ni Etienne Jaumet, alors seulement connu comme éminent intermittent de l'underground chanson parisienne avec The Married Monk ou Flop, ni Neman, enfant du classic rock et batteur de coeur au sein d'Herman Düne, ne semblaient particulièrement predisposés à résoudre cette terrifiante équation typique des années 2000-2010 : "comment que c'est qu'on fait rentrer le futur dans le présent en allant le chercher dans le passé, déjà?" Mais c'est sans doute leur refus de se coltiner ce chichi théorique qui les a fait émerger du marais.
Comme ils l'expliquent eux-même, c'est l'occasion qui a fait le larron, pas un accident spatiotemporel ou une étude de marché des attentes du public hipster de la deuxième moitié des années 2000. Il y a d'abord eu une rencontre dans un coin d'underground (Mains d'Oeuvres), puis une idée pas si folle à laquelle avaient déjà pensé deux américains une poignée d'années plus tôt: essayer de trouver un terrain d'entente entre la batterie de Neman et le fatras de vieux synthés hantés qui s'entassait déjà dans le local d'Etienne. Pas franchement passionnés (en ce temps là) par la chose techno de leur label Versatile, plutôt habités par Suicide et le rock de chleu (dixit Irmin Schmidt), ils en sont arrivés aux mort-vivants et à Carpenter quasi par accident, par le biais des fûts et des boutons. Tout le reste, les images, les reprises et les concerts en trio avec le maestro Alan Howarth a coulé des synthés, du rock et de l'obscurité.
Après avoir bouclé la boucle avec un EP 100% dédié aux thèmes du Maître, il incombait pourtant à Etienne et Neman d'ouvrir les fenêtres et de se réinventer. C'est exactement ce qu'ils font dans le bien nommé Rituels d'un Nouveau Monde, en allant chercher du côté des Pères psychédéliques de la musique française (les Richard Pinhas/Heldon, Catherine Ribeiro/Alpes et Gilbert Artman/Lard Free dont Etienne s'est fait le meilleur fossoyeur) et de ces paysages imaginaires qui habillaient les pochettes de Jean-Michel Jarre ou les génériques de la télévision française très tard le soir. Entre "L'Âge d'or" du sixième morceau et le nouveau monde du titre, une avalanche de percussions dans la pièce, ils se sont trouvés une nouvelle terre vierge à explorer avec leur tambour et leurs synthés, avec Sun Ra, Herzog ou Ricardo Villalobos en Etoiles du Berger. On les y suit avec frayeur et bonheur.
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