Parfois on s’intéresse à un groupe en se trompant complètement de grille de lecture.
Demdike Stare véhicule une imagerie sombre, empreinte de sorcellerie. Des pochettes aux images projetées en concert, les réfèrences à l’occulte sont multiples. Demdike était le nom d’une supposée sorcière exécutée à Pendle Hill dans le Lancashire en 1612. Leur musique tourne autour d’un drone tribal et primitif, les portes grincent, une église brule, on sodomise des jeunes vierges dans une messe noire.
Tous ces éléments réunis prêtent à supposer que Demdike Stare vient grossir les rangs de ce qu’on a appelé, le temps d’un hiver, la Witch House. On s’imagine deux mômes qui jouent à se faire peur dans leur chambre et s’éclatent à pondre les tracks les plus flippants qui soit entre deux séances de spiritisme foireuses. On peut lire ici et là qu’ils sont la réponse anglaise à Salem.
Tout faux. Là où Salem et autres formations poisseuses se complaisent dans une noirceur forcée et une posture faussement mystérieuse, Sean Canty et Miles Whittaker de Demdike Stare ne sont ni plus ni moins que des nerds, appartenant au cercle trés fermés des collectionneurs de disques.
Une fois qu’on a compris le background des deux types, tout fait sens. Les collectionneurs de disques sont une espèce un peu à part, prêts à faire le tour du monde et débourser des milliers d’euros pour obtenir la bande originale d’un obscur film d’horreur indonésien parue en 1973. C’est un petit milieu où tout le monde se connait, où l’on passe des heures à débattre sur la musique de librairie italienne, le funk africain, le rock psychédélique turc.
Miles Whittaker vient de la techno, officiant sous le nom de MLZ. Sean Canty est un homme de l’ombre du fantastique label Finders Keepers, spécialisé dans les rééditions de disques bizarres venus du quatre coins du monde. Plus que des musiciens, les deux Mancuniens sont avant tout des obsessionnels, des acheteurs compulsifs animés par la passion qu’ils portent à leurs collections respectives. C’est face à la question existentielle “Et maintenant, que va-t-on faire de tous ces disques?” que le projet de groupe est né.
Demdike Stare est le terrain d’expression qu’ils ont choisis pour rendre hommage aux tonnes de vinyles accumulés pendant des années. Comme si ils essayaient de créer la pièce manquante à leur collection. Ils inventent la bande-originale d’un film imaginaire, avec sa dose de références kitsch où tout est à prendre au second degré. De la même manière que Tarantino et Robert Rodriguez se réapproprient le Grindhouse, Sean Canty et Miles Whittaker fabriquent de toutes pièces ce disque bizarre, qu’on aurait pu trouver par hasard dans un vide grenier et dont le contenu recèle de petites pépites insoupçonnées.
Demdike Stare n’a finalement pas de style musical défini, c’est un projet strictement référentiel nourri par la collection de disques de ses membres. Il est amené à évoluer au gré des gouts du duo et de l’humeur du moment à la manière d’un groupe de hip-hop dont la production est conçue à partir de samples.
Après avoir visionné l’interview, celui qui trouve le nombre de fois où le mot “Record” est prononcé gagne un panier garni.
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