Notre époque est pourrie de musique. Parfois la pop, souvent la house, c'est à qui de l'arabesque, qui du plus lourd ornement attirera l'attention. Epuisant à l'œil et pénible à l'oreille.
Finalement, en toute élégance, qui se distingue sans se faire remarquer ? Un Stefan Jos dont la house (ou un dérivé) s'avance en « robe de rien ». Le Californien (basé à Montréal) est de ces artisans d'un son que l'on produit en saignant des doigts. Passé par Where To Now? et Opal Tapes, Devon Hansen change d'identités (Lotide, Stefan Jos) mais jamais vraiment de visage. Systématiquement, Monsieur dépouille pour s'attacher aux détails. Surtout, il manufacture une house (jamais loin de la techno) rudimentaire, au groove frugal et matières premières brutes. Sauf que pour ce debut album (édité chez flau, label Tokyoïte), ses munitions sont si fines et perfectionnées qu'elles traversent son auditeur sans le laisser à terre. Ni vraiment le quitter.
Primitives est fièrement baptisé. Primitif, il l'est dans son aspect rustique et sommaire, son sound design en boiseries et ferrailles. Primitif, il l'est aussi dans son sentiment, dialogue élémentaire à l'adresse de la part archaïque de l'être. Dans le fond, quel objet de house ou musique à danser x ou y n'est pas à l'adresse de « la part archaïque de l'être » ? C'est une vue juste. À ceci près que Primitives n'est pas un objet de musique à danser.
Jos est un maitre de la désorientation. Aussi, il n'aime pas tant les textures que les illusions d'optiques. Il produit avec ruse, en ricochets et jeux de réflexions. Et comme pour se jouer de l'oreille interne, il dénude ses productions, vide la pièce pour que trônent et rutilent ses mécaniques.
Tant est si bien que de profil, on croit reconnaître James Place et "cette (post-post) techno à texture, souvent glabre, filtré et éclairée à la bougie ». Et si le murmure comme sa géométrie dans l'espace évoque Lee Gamble, la finition trouve curieusement le chrome ou les entrepôts froids et vides de la techno de Manchester. Nul ne s'étonne plus à l'idée que Miles Whittaker (le Miles Whittaker de Demdike Stare) fignole le mastering de l'objet.
En somme, achevons sur un bon mot tout en mesure. Le monde est pourri de musique mais tous les Stefan Jos le gâtent.
Primitives est sorti le 18 mai sur le donc excellentissime label japonais flau.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.