Minor Science "Closing Acts" (Whities)
Elle nous plaît décidément beaucoup, cette petite vague "cluster-ienne" de la techno européenne qui, de Barnt à cet Anglais (?) découvert via The Trilogy Tapes, oublie volontiers d'envoyer une caisse claire pour laisser tourner à l'infini ces plateaux de sons qui donnent l'impression que le temps a arrêté de dérouler son cours habituels de mauvaises nouvelles et d'accidents. Quelque part entre un vieux Isolée et cette taff de trop qui transforme l'apéro où on s'amuse en scotch interminable dans le canapé, "Closing Acts" est rien de moins que le chef d'oeuvre existentiel de la semaine.
Donato Dozzy "Cassandra" (Claque Music)
En voie de cultification terminale, le Romain à lunettes écarlates se fout des avances de son public et sautille entre les honneurs comme on évite les flaques d'eau sous l'orage: le nouveau Voices from the Lake chez Editions Mego ne comporte pas un kick, son album avec la chanteuse Anna Caragnano ressemble à une folie de vieil acousmaticien à sourcils broussailleux et son nouveau maxi sur Claque Musique est geek et mental comme du Monolake ("tou a vou comment elle est bella, ma delay à modelizzassionne stochastique gradiente? yé lé programmé moi même, avec oune loyicielle ché yé programmé moi même aussi avec oune ordinatore ché yé fabriqué moi-même avec oune mélange de tomati de Pinto, d'origano et dou plastico organico ché yé préparé dans ma couizine"). On est beaux joueurs, on applaudit quand même.
Angel de la Guardia "Blind" (Broken Call)
Un peu de garage, un peu de house du New-Jersey, un peu de fog londonien, un peu de béton de Berlin, un peu de sel, un peu de poivre... Il manque pas quelque chose à ta potion, Angelito mio? Ah si, des nappes de porno soft italien. Et une référence mystico-biblico-esotérique. Et un remix de Mondkopf sur le flip. Voilà, c'est prêt, j'envoie la galette à Boomkat.
Powder "Kiwi Blue" (Born Free)
Quand on vous disait qu'il se passait quelque chose au Japon avec la house: dans la foulée des quatre sorties signées Keita Sano du mois dernier, on vous présente donc la Tokyoïte Powder, DJ et productrice affiliée au duo Cos/Mes practicienne virtuose du piano à pouces de Centrafrique (également appelé "kempf orospu" ou sanza) et du "ricardovillalobos", instrument électronique à percussions originaire du Chili qui permet de contrôler à distance radio, frigidaire et calculatrice scientifique à énergie solaire pour en tirer des grooves improbables et irrésistibles pour le bassin. Charmeuse et improbable, fabriquée dans des matiériaux bio-sourcés rigoureusement certifiés à développement durable, sa house à tiroirs devrait en toute logique se retrouver un de ces quatres en rotation lourde sur Rinse Nagano et sur le catalogue The Trilogy Tapes.
Marquis Hawkes "Jerk U Later" (Houndstooth)
C'est un fait scientifiquement avéré par Internet: tous les producteurs de house qui s'appelle "Marquis" (Marquis Cooper AKA Svengalisghost, DJ Marquis, Marquis Hawkes ici présent, même Mark E dans ses bons jours) ont une prédisposition particulière pour pondre des grooves un peu malaisants qui donnent simultanément envie de twerker avec les doigts et d'aller enfouir la tête dans un oreiller pour calmer cette étrange nausée qui donne l'impression que tous les tableaux, cadres et posters dans la pièce (y compris celui de ce festival Raster-Noton à Cologne en 2004, pourtant pas avares en angles droits) sont de travers. Décidément décidé à nous pourrir le système vestibulaire, "Jerk U Later" rajoute en bonus tourment une couche de détecteur de fumée mal réglé qui fait mal aux gencives et se voit très justement décerné notre Prix "Prontalgine" de la quinzaine.
Tzusing "Frankencense And Myrrh" (L.I.E.S.)
N'importe où ailleurs que sur L.I.E.S., Tzusing évoquerait Oliver Chesler, le gabber à guitares, les heures les plus somb' de cette techno européenne viriliste et dégénérée dont plus personne (enfin, presque plus personne) ne veut entendre parler; sur L.I.E.S. pourtant, ses morceaux avec sirène de blitz, harmonica amplifié et rythmes facho-touchants à la Laibach sont catalogués "euporisants", "audacieux" et "décomplexés". Ça nous va, mais on veut bien discuter du paradoxe autour d'une pinte (ce soir par exemple).
Kerrier District "London Grooves" (Hypercolour)
Pendant que l'intelligentsia post-outsider-house fouille les très onéreux bacs Prospectives du 21ème siècle pour renouveler le schmilblick, Luke Vibert, pépouze, le spliff dans la margoulette, continue à tirer sur la corde des mêmes 12 samples archi-cramés qu'il fait tourner en boucle depuis 1993 (ici, le "Bugger Groove" des Buggers, samplé 2589 fois depuis que Coldcut ont eu la bonne idée de l'intégrer dans la marmite de leur légendaire remix d'Eric B & Rakim) et nous inspire, une fois n'est pas coutume, un sentiment un brin réactionnaire: c'est souvent dans les plus vieilles braisières qu'on fait les soupes les plus étonnantes.
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