Donato Dozzy sort un album entièrement joué à la guimbarde et on trouve que c'est une très bonne idée

"Comment ça, de la guimbarde?", demande le fan de Donato Dozzy médusé et un peu déboussolé parce que ce qu'il aime chez le producteur italien, c'est plutôt sa capacité à le faire rêver avec des beaux kicks bien structurés et des bruits d'orage que son art de ne rien faire comme les autres, comme cette fois où, à la manière d'un compositeur de musique concrète quasi centenaire avec une barbe épaisse comme la toison d'un mouton, il a enregistré un disque entier à partir de la seule voix de la chanteuse Anna Caragnano.

"Eh ben ouais, de la guimbarde", lui répond Scaramuzzi sans se démonter, parce qu'après tout il est libre et qu'il fait ce qu'il veut de sa carrière et de son séquenceur. Alors soit, The Loud Silence, à sortir début octobre sur Further Records, ne contient que des sons de guimbarde et beaucoup d'effets, mais ce que ça engage pour Donato est bien plus qu'une contrainte idiote lancée à la face du monde comme une provocation: quelque chose de très intime. Découvert alors qu'il était en vacances en Sicile avec ses parents, le "marranzano" fascine de fait Donato depuis l'enfance pour sa capacité à faire sentir à celui qui en joue les vibrations de son propre corps. Ou, comme il l'explique dans le texte officiel qui annonce la sortie du disque: "En Italie, l'un de noms de de la guimbarde est 'scacciapensieri", qui veut dire littéralement qui aide à se vider la pensée. A une époque où tout le monde semble agir pour son propre intérêt plutôt que collectivement, cette musique me permet de sentir une continuité avec le passé."

Enregistré en intérieur et en extérieur, quelque part au bord de la mer Méditerranée, The Loud Silence promet ainsi d'être bien plus qu'une bêtise expérimentale de plus sur l'étagère: un disque de Donato Dozzy pur jus, avec ce qu'il faut de grâce, de répétition et de sens du rituel pour s'y perdre comme dans un rêve, une messe baroque ou un de ces orages nocturnes qui nous tiennent éveillés les nuits d'été moins parce qu'ils nous inquiètent que parce qu'ils sont magnifiques à écouter tonner.