Drexciya "Wavejumper (Aqualun Version)" (Clone Aqualung Series)
Il y a quelque chose d'un peu rassurant dans le fait de savoir qu'il existe encore des inédits de Drexciya cachés quelque part sur la terre, comme il existe des inédits des Beach Boys, Delia Derbyshire ou Barry Manilow; de cette manière, ce passé dont on déplore tant que le présent ne lui ressemble pas un peu plus a l'air de continuer à exister encore un peu, et sa présence, même très fantômatique, a l'air de rendre ce foutu futur si incertain et qui empiète sans cesse sur le présent un peu moins angoissant. C'est presque comme s'il existait encore quelque part dans un frigo ou un monde parallèle un Harrison Ford pimpant de 25 ans et une Carrie Fisher sublime en minishort prêts à enchaîner les cascades dans un Star Wars 7 scénarisé par John Milius et Cimino, réalisé par Douglas Trumbull dans des décors entièrement conçus et dessinés par Moebius. Presque.
Max D "Flex Cathedral" (Off Minor)
Parmi les caractéristiques les moins connues des boîtes à rythmes légendaires de l'histoire de la musique électronique, il y a la fonction "shuffle": une option introduite pour la première fois en 1979 par Roger Linn sur la fameuse LM-1, ancêtre de la LinnDrum et de la MPC et qui permet avec plus plus ou moins de bonheur et de réalisme d'amener du "feeling" humain aux patterns rythmiques en "quantisant chaque battement de percussion sur le pas le plus proche puis en retardant la lecture d'un pas sur deux dans le séquenceur" (pour plus de détails et plus d'intelligence, cliquez ici les cocos). Eh bien à vue de nez, le beat de "Flex Cathedral" est un hommage intégral à cette feature mal aimée que connaissent bien tous les musiciens qui ont un jour eu à faire avec une machine avec une molette dessus, une de ces options fantôme dont on ne s'explique pas l'existence, sur lesquelles on tombe intempestivement en browsant les menus et les sous-menus mais qu'on ne choisit jamais, jamais, jamais. Que grâce leur soit rendue.
Manse "A Slap In The Face Of Public Taste" (Lobster Theremin)
Dès la 3ème seconde, on sait que ça va être débile et génial. Le mec s'appelle Manse, il est anglais, il a sorti son premier disque sur Opal Tapes et il est vraisemblablement fan d'Errorsmith et Mr Oizo. Pour la gloire et pour notre plus grand plaisir, surtout, il débarrasse la musique de ce dernier de tout ce qui commence à saouler - le gros son Ed Banger, le surjeu funk, la méchanceté - pour pondre un pur banger mongolo comme on rêve d'en entendre depuis l'album de Rebolledo. "One chromosome too many" et c'est parti.
Sound Stream - Bass Affairs (Sound Stream)
Qu'est-ce qu'on entend dans le nouveau Sound Stream? Rien d'autre qu'une petite boucle de disco avec basse slappée, cocotte de guitare et rhodes en escalier, un kick un peu gras et un tapis de corde qui monte, qui monte, sans jamais vraiment exploser. Evidemment, c'est parfait. Et on ne comprend toujours pas comment Frank Timm s'y prend pour faire de l'or en barre quand la plupart de ses collègues teutons chiants pondraient la pire deep house du monde avec les mêmes ingrédients.
45 ACP "Ground to Ground" (L.I.E.S.)
Le L.I.E.S. de la semaine est un peu spécial: il est signé de notre chouchou D.K., il est plein de congas et de sons d'ocarina MIDI (ça a l'air d'être un gros truc dans l'underground parisien en ce moment) et contrairement à ses sorties récentes sur Antinote, il sent plus fort le lard grillé et la fumée de cheminée que le chlore et la crème solaire. Voilà. Maintenant, comme on dit un peu partout sur les blogs cool depuis que Lelo Jimmy Batista (salut mec!) a lancé la mode, "débrouillez-vous avec ça".
Musumeci "Harry Batasuna (An-I Edit)" (Mannequin)
C'est la techno EBM à son meilleur et pour cause: juste un edit respectueux, légèrement accéléré, exagéré dans les graves et aidé par un kick gras d'un bidule ultra obscur de 1985 ressuscité récemment par le label allemand Mannequin. Tout est à y admirer, du minimalisme absolu de la séquence modulée jusqu'à plus soif dans l'original jusqu'au bon sens de tout ce que lui fait subir le new-yorkais Lee Douglas. On prévoit un grand avenir à ce disque dans les afters au Garage Mu, s'ils arrivent un jour à réunir l'argent pour se payer une insonorisation digne de ce nom et à rester ouverts après minuit (c'est tout le mal qu'on leur souhaite).
Mutado Pintado Presents Sworn Virgins "Michelle (Dub)" (Les disques De la mort)
C'est sans doute involontaire mais ce remix ressemble à une parodie d'à peu près tous les trucs branchés du moment - la house minimale grinçante à la L.I.E.S., la house mongoloïde à la Cómeme, et la house avec du kazoo dessus - et on n'en attendait pas moins de "notre sortie préférée des disques De la mort à ce jour" d'Ivan Smagghe et Leon Oakey. Bon, ok, la house avec du kazoo n'existe pas comme genre à proprement parler et même si c'était le cas, elle ne ferait sans doute pas de vagues chez les branchés. Mais si le monde était mieux fait et que la house avec du kazoo existait, ce dub serait son hymne.
Luke Vibert "StupH" (Dance Opera)
Est-ce que je vous ai déjà parlé de mon idée d'un album de reprises de Johnny Clegg et Savuka en version acid house qui s'appellerait "Acid Bonanga"? Non? Jamais? Eh ben voilà, je vous ai tout dit. Ou presque: il serait entièrement ghost produit par Luke Vibert.
Paulie Jan "Zehn" (Tripalium)
C'est fou comme ce morceau ressemble à de la techno. Il y a presque un kick sur tous les temps, un gimmick de synthé un peu trance, des breaks bien placés pour provoquer des hurlements de loup pavloviennement en cas de diffusion dans ces grands raouts plein d'alcool, de drogue et de Stan Smith mouchetées de sang qu'on appelle encore "rave" ou "after" faute de mot plus approprié. Paulie Jan l'a-t-il fait exprès pour amadouer les derniers êtres sur la planète encore refractaires à sa sorcellerie sonore, à base de sinusoïdes de gianduja coulant et de bruits de chips magiques? Une seule chose est sûre: ce morceau fout la honte à plein de monde, y compris à Brodinski qui serait bien avisé de faire appel à ses services pour son prochain album de rap d'Atlanta en papier mâché.
Legowelt "Evaporate With Me 2 Infinity" (Technicolour)
Je dois vous faire une confession. La première fois que j'ai écouté ce morceau, un autre truc tournait en même temps à mon insu dans une autre fenêtre de mon navigateur, si bien que j'ai été bluffé en premier par l'incroyable audace de sa polyrythmie et la richesse de son harmonie. Ça a bien duré 3 ou 4 minutes avant que je m'en rende compte. Je ne me souviens plus de quel morceau il s'agissait, mais le mélange des deux était vraiment très chouette. Une vraie bouffée d'air frais dans la discographie de Legowelt, voire une bouffée d'air frais dans la musique électronique de 2015. Maintenant, "Evaporate With Me 2 Infinity" sonne très bien tout seul aussi, bien sûr. Mais il me manque un petit quelque chose. Un je ne sais quoi qui sort de la torpeur du quotidien. Le vent du large qui fouette le visage. Le souffle terrifiant et amical à la fois du futur qui s'annonce à l'horizon. La caisse claire de "Love on the Beat". L'extase terrifiante du sol qui s'ouvre sous vos pieds et qui laisse entrevoir, enfin, ne serait-ce qu'une nanoseconde, le sens de ce job de commentateur de teaser de blockbuster au quotidien qui vous sert d'existence alors que vous envisagiez une carrière de grand reporter en zone de guerre ou quelque chose dans le genre.
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