Kareem "Feels Like Sunday" (Platte International)
On a deux jours d'avance pour pousser ce mur des lamentations deep house qui devrait logiquement occuper une place de choix dans moults sets d'after aux alentours de dimanche, 9h30: beat qui claque à l'américaine, nappe bien grasse qui ondule à l'infini, bassline à contretemps qui se fait oublier par les oreilles mais qui masse les lombaires de la copine, c'est du tout bon pour les siroteurs de Whisky Sour. A noter pour ceux qui en douteraient que le Kareem derrière ce maxi n'est pas le même que le vilain garçon qui lâche bi-annuellement des monstres drone techno flippants et plein de grumeaux et de fantômes dont on vous a parlé quelques fois. Aucun producteur de musique électronique ne peut évidemment se trancher les hémisphères du cerveau en deux à ce point-là.
Rébeval "Brainiac" (L.I.E.S.)
Il y a trois jours, on vous parlait avec trouble et émotion de Sergie Rezza, projet post techno indus angoissé sur Desire derrière lequel on était pas mal étonnés de retrouver le trésor national DJ Deep. Eh bien à l'écoute du premier maxi de son projet L.I.E.S-ien Rébeval trois jours plus tard, on se mord presque l'annulaire d'avoir exprimé notre étonnement au grand jour. Triple leçon pour la jeune génération, ce trois titres infernal et hypnotique-as-fuck que seul un I:Cube, à part DJ Deep lui-même, aurait pu pondre, nous rappelle aussi que la French Touch n'est pas devenue un événement historique sans raison.
Tessela "Bottom Out" (R&S)
Quand soudain, la question à 3 balisto du jour qui te saute à la gorge: peut on encore faire un hit de boîte de nuit avec une boîte à rythmes, une pédale de flanger et un rouleau de scotch? Pendant que la plupart de ses contemporains ratissent le fond de la rivière, le gars Tessela cherche sur la rive avec une pelle et un rateau, et déterre parfois des os. A vue de nez, celui-ci est un fémur de yak, ou de dinosaure.
Gavin Russom "The Telstar File" (L.I.E.S.)
Oui, encore L.I.E.S. / non, on ne s'en excusera pas. Car quel autre label, en ce premier vendredi 13 de 2015, peut se targuer de deux sorties aussi magnifiques que le Rébeval ci-dessous et ce retour aux affaires épatant de Gavin Russom? Signe des temps peut-être, le New-Yorkais qui frayait avec DFA à l'âge d'or du label envoie désormais ses séquences et les piou-piou directement dans la boite postale de Ron Morelli et m'est avis que c'est moins signe d'un embourgeoisement de ce dernier que d'un sévère glissement de paradigme esthétique pour le continent dance tout entier. Jusqu'au retour de bâton bien sûr.
Samuli Kemppi "Ant on a Rubber Rope" (Planet Rhythm)
Evidemment Samuli Kemppi est Finlandais. Ça se devine à son nom aux consonances sévères au point de pouvoir trancher le tronc d'un épicea, mais aussi à sa techno pleine de bleeps et de menthol, à peine trop brutale, trop complexe et trop arrangée pour qu'on la lie aux grands disques de la grande époque de Sähkö. C'est en tout cas extrait d'une mini compilation du label hollandais Planet Rhythm qui déborde de classicisme et d'envie de nostalgie pour ce moment fascinant de la techno européenne de la fin des années 90, juste avant le grand délitement vers la minimal et le maquis, et ça nous fait très plaisir.
Scuba "Television (Atom™ Remix)" (Hotflush)
C'est un euphémisme de dire qu'on n'entretient pas une passion délirante pour la techno pète-sec et emmerdante de Scuba depuis qu'il a changé son fusil d'épaule, mais on ne pouvait décemment pas passer à côté du remix d'un morceau titré "Television" par notre Uwe Schmidt bien aimé. Pourfendeur désormais identifié des mass media en général et de MTV en particulier, Schmidt ne pouvait faire que des étincelles avec la techno monotone de l'Anglais... Ce qu'il ne fait pas tout à fait - pour tout dire, on est à deux doigts de la cochonceté progressive - mais le bruit de fond statique qui court tout du long de ces 8 minutes grimaçantes nous fout suffisamment le malaise sur le dos pour qu'on devine la sabotage en loucedé.
Ambiq (Claudio Puntin, Samuel Rohrer, Max Loderbauer) "Tund (Ricardo Villalobos Remix" (Arjunamusic)
Le bruit des pas dans la neige fait partie des graals du producteur de musique électronique depuis la nuit des temps. De mémoire, le plus beau, le plus croustillant à ce jour s'entend tout au long du deuxième morceau de Chiastic Side d'Autechre, le très mystérieux "Rettic AC". Ricardo Villalobos, de son côté, courre le lièvre sur tout ce qu'il sort depuis trois ou quatre ans: en faire un beat décent. Sur ce remix de ses potes d'Ambiq, il le touche du bout du doigt droit. On sait pas si on danse mais on applaudit le courage derrière l'initiative.
Headless Horseman "Battle Hill" (Killekill)
Et la question de 12.25: existerait-il un lien entre les courbes du chomage qui n'en finissent plus de progresser un peu partout dans les pays occidentaux et la démultiplication des producteurs de techno qui s'inspirent directement des scènes de bataille du Seigneur des Anneaux?
Lucy "Rema Rema Canoero" (Stroboscopic Artefacts)
Pour ce cinquième et dernier chapitre de sa série de maxis consacrée au cinquième anniversaire de son label, Lucy sort tout, son plus gros kick, ses plus grandes orgues, ses plus belles sirènes, sa plus grosse reverb' et son plus grand malaise - et fait, de loin, le track le plus consistant et le plus émouvant pressé sur un disque Stroboscopic Artefacts depuis bien longtemps. Tip top pour tous ceux qui en ont gros sur la patate en ce mois de mars, et on sait qu'ils ne sont pas que quatre devant leur écran en ce moment.
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