V/A - Planète Hurlante (Lentonia)
A tous les pékins débarqués avant-hier dans la Capitale après un triple tour du monde ou une retraite très prolongée dans les montagnes du Croissant fertile qui souhaiteraient se mettre rapidement à la page au sujet des diverses niches qui font son underground sain et abondant en 2015, la dernière compilation Lentonia est une première option solide et peu onéreuse. Pour la modique somme de 7 euros et sans se soucier de connaître tous les noms qui s'étalent au dos de l'artwork magnifique de Vava Dudu (parmi lesquels le lecteur de The Drone reconnaîtra tout de même EDH, La Chatte ou Tamara Goukassova), l'auditeur curieux et amateur d'adaptations foireuses de Philip K. Dick pourra en effet s'infliger sans efforts synth chanson aux reins solides, techno pop vigoureuse, synth wave bordée de tous les côtés et vastes rêveries ambient à la qualifiée certifiée 100% pur arty et éventuellement apprécier, s'il lui prend de décortiquer le tracklisting et d'éplucher les biographies de ses participants, le fait qu'ils sont tous du sexe féminin et qu'ils s'agit donc exclusivement de participantes. Ce qui n'est pas très important, mais suffisamment rare pour être souligné. MF
Ali Helnwein – Voyage (Spring Break Tapes)
Eternel enfant, tu cherches cassette à glisser dans ton tape recorder Fischer Price. Ali Helnwein est une excellente adresse. Ici pas de régression stade-anal pour fan d'Aristochats. Plutôt un objet entre le livre audio d'un conte d'Anderson (Wes), la malice d'un Desplats orchestrant une féérie au chromatisme de pâtisseries Marie Antoinette et le cœur gros, le pas léger d'un Tiersen rue des Martyrs. Autrichien installé à L.A, Ali tenait à produire une cassette « inspirée par le parc d'attraction, son royaume de fantaisies et d'aventures innocentes ». Résultat : des symphonies de poche à la dramaturgie innocente et enchantées, dont le baroque est contaminé par le minimalisme américain. Le royaume de fantaisies est bien là. MD
Polígono Hindú Astral / Sentionaut - Split (Verlag System / Atrocious Symphonies)
Meilleur nom de groupe possible et gros potentiel "épate tes amis" pour cette split-cassette élaborée entre Valencia et l'orbite géosynchrone où zonent les vieux satellites en déréliction abandonnés par leurs papas de la NASA. Bidouilleurs de séquences sympathiques et plutôt génériques, les PGA font dans le kosmische clé en main, sans trop de valeurs ajoutées noise, techno ou affiliés ce qui nous va très bien, quand on appuye sur "play" avant d'aller faire les courses au Monop' ou de lancer une bonne discussion sur la politique des auteurs à l'ère des films de super-héros avec des potes un peu trop portés sur les écrits de Bazin et L'Image-temps/L'Image-mouvement de Deleuze. OL
Montauk Boys - Golden Horse from 6037 (Cerberus Future Technologies)
De toutes les théories et fables conspirationnistes, celle liée à la base militaire de Montauk (Long Island) est surement la plus riche en détails grotesques. Dans les années 80, ll'endroit aurait été le théâtre d'actes de tortures perpétrés sur des adolescents kidnappés. Ces « near-death experiences », alliées à des systèmes électriques rudimentaires, servaient à expérimenter le voyage dans le temps et la communication extraterrestre. D'ici, est née la série de romans à sensations Montauk Project – supposément basés sur des faits réels – où l'on aborde l'épisode du « Cheval Doré », transportation d'adolescents en 6037 pour récupérer une précieuse inscription en runes sur la statut d'un cheval doré. C'est ce précieux document scientifique du futur que met en musique le Mancunien, Montauk Boys, dans Golden Horse from 6037. Traversée du temps aussi épique que tordue, l'objet fait épouser la forme à sa narration. Disco d'anticipation tribalo-futuriste et techno hallucinatoire (tout un programme), le chrome de Montauk Boys rutile sous les lumières du temps mais corrode d'une noise hyper acide. Moins un voyage dans le temps qu'un séjour dans le Phuture (époque "Acid Trax"). MD
Best Available Technology - Excavated Tapes 1992 -1999 Volume 2 (Astro:Dynamics)
Enfance de l'art, suite, pas fin. A l'instar d'Aphex Twin ou Mike Paradinas qui ont récemment pas mal épaté leur monde en numérisant les plus vieux vestiges de eurs plus vieilles boîtes à chaussures, l'Américain Kevin Palmer, signé sur Opal Tapes et remarqué pour une belle collaboration avec Bnjmn, a pas mal fait jaser il y a deux ans avec la publication de ses bidouilles de jeunesse sur le label londonien Astro:Dynamics. C'était mérité. Entiers, délestés des emmerdements du type genre, underground et bidules en vogue mais aussi étonnamment tenus et précis dans leurs intentions, ses instrumentaux sans ambition précise s'offraient aux oreille avec le genre de fraîcheur qui manque évidemment à la plupart des trucs qui sortent dans le contexte de la musique qui doit se vendre. Joie pour les amateurs, il remet aujourd'hui ça avec un deuxième volume plein de dub, de croquis de musique répétitive et de soundscapes grinçants dont on s'étonne avec bonheur que certains aient pu être enregistrés à une époque où Kurt Cobain était encore vivant et The KLF passait en boucle sur MTV. OL
Dino Spiluttini – All I Want Is To Be A Happy Man (Sacred Phrases)
Qui a toujours du bon tabac dans sa tabatière? Sacred Phrases. Le label continue son ping pong avec Umor Rex puisqu'après Kara-Lis Coverdale, c'est Dino Spiluttini qui passe d'une maison à l'autre. Grands monochromes ambient et vision glabre d'un « modern classical » en couches de givre et en négatif, Dino et Kara-Lis ont autant de points communs que de divergences. Comme Kara-Lis, Dino aime le drone qui se réfléchit dans l'école tonale. Mais là où la première avance en lâchant prise, le second s'illustre par une rigueur - pour ne pas dire un rigorisme - que l'on retrouve dans les crédits de l'objet : « produced, mixed and mastered by Dino Spiluttini / Artwork photography and design by Dino Spiluttini. » Control freaks a l'air de ne pas y toucher, Dino Spiluttini se dresse en démiurge de l'Art total (que l'on imagine) ayant déjà réalisé le film tiré de l'album ainsi que sa chorégraphie. Tant mieux, les Argus aux mille yeux ont toujours des vues plus larges. Néanmoins, si vous lui posez la question, Dino cherchait un « simple moment de bonheur » en composant. MD
Beat Detectives - Boogie Chillen / The Hills of Cypress (Where To Now? Records)
Vous ne comprenez niquedouille au déluge de bruits et de boucles ci-dessous? Vous avez l'impression d'écouter un long remix du "Beats and Pieces" de Coldcut par Salut c'est Cool? Vous vous demandez ce qui vous a pris d'appuyez sur play? Votre petite recherche sur Discogs, où il est indiqué que la musique enregistrée sur ces deux faces est à ranger dans la "catégorie" house, vous donne envie de descendre dans le Marais fracasser le crâne d'un galeriste en costume Acne Studios et d'égorger son assistante en tenue de skater vintage ironique décalée? Rassurez-vous, c'est fait exprès. C'est digimoderne. C'est une mise en abyme de mise en abyme d'une parodie d'une mauvaise imitation d'un site sur l'art contemporain rédigé par Carles, l'âme condamnée à l'hyperlucidité récemment outée par Vice qui rédigeait les articles schizo géniaux de Hipster Runoff. C'est mutagène, aussi. C'est de la "trash techno anarchique" pour l'ère de Calabi Yau. Et comme vous en faites partie sans le savoir, il y a de grande chance que contre attnte, vous vous retrouviez finalement à avoir très, très envie de mettre la face B (ou la face C) une fois arrivé à la fin de face A (ou de la face B). OL
Linus Wandewolken - Hommel op Aarde (Hôtel Rustique)
Avis aux vieux fans de Robbie Basho ou de John Fahey, ce que fait ce Flamand de Niemandaal avec ses épinettes artisanales a de grandes chances de vous enchanter. Soutenu par McCloud Zicmuse, fantasque songwriter américain exilé en Belgique au destin très emmêlé avec ceux des Japonais de Maher Shalal Hash Baz et Tenniscoats, Linus Vandewolken joue des morceaux inspirés par la campagne flamande et son père, luthier du dimanche qui fut le premier à l'initier aux joies de cet instrument à cordes méconnu qu'on appelle "hommel" plutôt qu'épinette dans les plaines du plat pays. En d'autres termes, c'est le meilleur de l'americana délocalisée en Belgique et c'est merveilleux. OL
Space Blue - S/T (Crudités Tapes / SDZ)
Le saviez-vous? L'indispensable SDZ Records, premier label de Cheveu, des Limiñanas, Èlg ou Opéra Mort vient de fêter ses quinze années d'existence avec un festival. Vous n'y étiez pas parce que vous bouffiez des huitres à Cancale? Rattrapez vous avec cette huitième référence de Crudités Tapes, sous-label cassette entièrement voué à la musique qui donne l'impression d'avoir une araignée au plafond, une tumeur au genou ou qu'une créature vicelarde et informe posée sur l'aile de l'avion dans lequel vous venez de vous installer n'attend que son décollage pour vous envoyer illico tâter du martinet en Enfer. Entre post-proto-post-techno, proto-post-post techno et post-rock (ironique), cet ancien membre des Electric Bunnies prolonge en quelque sorte une oeuvre qu'on despérait d'entendre prolongée quelque part en 2015 - celle de Black Dice et de son petit génie de leader Eric Copeland - et ça, c'est pas rien. OL
Claude Barbara - Au supermarché (Indian Redhead)
Annie Ernaux, qui s'y connait en supermarchés, nous a envoyé cette critique de la première cassette du Lillois Claude Barbara (que vous devriez écouter et acheter avant qu'elle devienne culte et qu'elle coûte quinze fois plus cher) : "Les super et hypermarchés ne sont pas réductibles à leur usage d’économie domestique, à la « corvée des courses ». Ils suscitent des pensées, fixent en souvenirs des sensations et des émotions. On pourrait certainement écrire des récits de vie au travers des grandes surfaces commerciales fréquentées. Elles font partie du paysage d’enfance de tous ceux qui ont moins de cinquante ans. Si on excepte une catégorie restreinte de la population – habitants du centre de Paris et des grandes villes anciennes –, l’hypermarché est pour tout le monde un espace familier dont la pratique est incorporée à l’existence, mais dont on ne mesure pas l’importance sur notre relation aux autres, notre façon de « faire société » avec nos contemporains au XXIe siècle." DB
EVOL - Rave Synthesis Approximations of György Ligeti's Continum, Part IV (Khalija)
Voilà plusieurs années que les codeurs hackers extrêmistes d'Evol se sont lancés dans l'étrange - que dis-je, insondable - entreprise de revisiter, détourner et "étendre" le Continuum de Ligeti, classique tournoyant et machinique du XXème siècle initialement composé pour le clavecin qui n'a, sur le papier, que très peu à voir avec leurs explorations extrêmes des sons de synthèse de la rave music. Dernière étape en date de cette entreprise dont la mise en son serait sans doute apte, diffusée au bon volume et dans le bon contexte, à provoquer une guerre civile, cette quatrième partie disponible en cassette très limitée est aussi le pretexte pour tenter d'y comprendre quelque chose puisqu'elle s'accompagne d'un petit livret explicatif plein de théories étourdissantes et de mots épatants comme "substantialisme", "théorème d'échantillonnage de Nyquist-Shannon" et "fucking sneaky". Téléchargez donc le PDF et sortez le stabilo si le coeur vous en dit. OL
Divine Interface - Bare All (Harsh Riddims Blodd Sucking Cassette Co.)
Peu importent la couleur de l'artwork, l'épaisseur du carton et la région du monde d'où est issue cette cassette (vraisemblablement Atlanta); peu importe aussi qu'elle soit éventuellement le fait d'un beatmaker fan de Clams Casino et de The Weeknd; peu importe qu'il chantonne ponctuellement tel un J Dilla indolent au bord de la mort ou de la neurasthénie: ce qui nous touche c'est qu'on y retrouve, par petites touches, ce qui faisait la magie des disques du japonais Susumu Yokota à sa grande époque, l'utilisation si finaude des voix, les émotions en plateau horizontal, les beaux pieds sourds, la grosse patte du producteur qui n'utilise pourtant que de échantillons de musique piqués ailleurs. Chacun cherche son chat, comme dirait l'autre. OL
ACI Edit / 07 (AUGHT)
Il y a peu nous chantions les louanges du label de l'East Coast (difficile d'être plus précis). C'était au temps de la sortie de 06, signé des mains de Xth Reflexion. À son propos nous élucubrions – on ne peut plus justement – ceci : « La techno – ou une cousine issue germain - y est dépouillé jusqu'au spectre, voit son pouls au plus faible, son teint au plus limpide et ses impulsions montées sur micro-ventilations ». Obsédé par la translucidité – dans sa techno comme l'objet physique – AUGHT édite une nouvelle cassette qui amènerait à paraphraser l'auto-citation sus-énoncée. Toujours industriel – dans la fureur figée et la brume – comme une toile de Turner, toujours techno en mousse, toujours de AUGHT volée. MD
Zone Démersale - Figura (Yerevan Tapes)
Cela un fait moment que l'on a envie d'aimer Yerevan Tapes. En quatre ans d'existence, le label qui joue la carte « mystères d'Arménie » (en dépit du nom et du logo « croix-soleil », il est de Bologne) nous laisse souvent au seuil de la joie. Krautrock de ligue 2, ambient falot ou avant-garde sur papier calque, Yerevan Tapes n'a pas l'audace de son goût. Puis, chose troublante, le label tire de nouveau sur l'Arménité en éditant une cassette couverte d'une image que l'on jurerait signée de Paradjanov. C'est le cas. Et si la cassette n'est pas la hauteur du génie susmentionné (on tiendrait l'album du siècle) Figura de Zone Démersale n'en demeure pas moins d'excellente facture. Paysages sonores percutés, ambient à l'analogique poussiéreux, kraut novo-Harmonia et techno au pouls faible, le duo Michele Ferretti (producteur)/Pietro Riparbelli (artiste sonore) résout (paraît-il) ses présupposés philosophiques par une réflexion esthétique. Premier sommet pour Yerevan. MD
Empereur - She Was Remixes (Le Turc Mecanique)
Depuis leur premier (et unique) 45 tours, les Belges d'Empereur sont à la concurrence post-punk ce que Marouane Fellaini est à la défense de l'équipe de France de Football. Avec cette cassette peinte à la main pleine à craquer de remixes furibards, pétaradants et mal mixés, dont les exemplaires se vendaient par poignées à la Villette Sonique, ce n'est pas prêt de s'arranger. DB
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