Compilation "Anti-Mimesis" (Das Andere Selbst)

Attention, cassette magique. Anti-Mimesis fait partie de cette catégorie de compilations très rares remplies de morceaux à peu près tous mortels et passionnants qui donnent l'impression de découvrir d'un seul geste toute une scène dont on n'avait jamais entendu parler (en dépit de la demi-douzaine de radars semi-défectueux qui fouillent tant bien que mal sur la plupart des territoires du monde connecté) en même temps que trois ou quatre nouveaux sous-genres de musiques non-repertoriés aux confins de l'indie truc et de la musique électronique qui s'en fout du futur ou de vous faire danser. Si le label, Das Andere Selbst, n'était pas aussi confidentiel, si le truc ne sortait pas exclusivement en cassette fabriquée à la main et si le propos de tous ces artistes n'étaient pas avant tout l'artisanat et l'humilité (leur crédo : on invente mieux dans sa chambre que partout ailleurs dans la maison), on ne se gênerait pas pour sortir les grands formules du type "compilation manifeste". Pour toutes les raisons ci-avant évoquées, on se retiendra mais on vous conseille tout de même chaleureusement l'achat de cet Anti-Mimesis très dense en amour de la musique et en belles idées et on punaise sans hésiter la petite maison berlinoise Das Andere Selbst sur le tableau encadré en or des labels à surveiller de très près à toutes les saisons. (OL)
 


Jacober "The Gray Man" (Geographic North)

"Exorciser l'esprit bienveillant du fantôme d'un homme transi d'amour ardent qui doit traverser les marais instables de Caroline du Sud pour rejoindre sa fiancée" : voici le programme haut en couleurs et en sentiments contradictoires que s'est fixé Dave Jacober, batteur de nos chouchous post-hardcore de Dope Body et complice de longue date de Dan Deacon, pour sa première cassette en solo. Armé d'un marimba, d'un ordinateur et de quelques pédales d'effet sommaires, l'Américain s'est installé dans la cabine de plage de son grand-père, dans la station balnéaire d'Ocean City, Maryland, pour composer des jolis tableaux atmosphériques qui ne sont pas dénués de références aux aînées (Arthur Lyman, père du marimba exotica, est dans les parages en permanence) mais qui ne jouent pas pour autant le jeu de la déférence. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est inattendu, et très agréable à la consommation à jeun autant qu'intoxiqué au sucre. (MF)

 

_moonraker "Aver" (_bruxist)

Qui se souvient de Hypermodern Jazz 2000.5, ce disque tout pété, incroyablement prétentieux (le titre n'est pas du second degré) et merveilleusement dur à écouter sorti par Alec Empire pendant son "âge d'or" expérimental (1995 - 1997) sur Mille Plateaux ? Et bien cette cassette de _moonraker, producteur farouchement mystérieux et mystérieusement adepté de l'underscore repéré chez les branchés pour un maxi (excellent) sur The Trilogy Tapes donne un peu la même impression : celle d'écouter un petit con aux aguets, hardi et sans doute pas dénué d'orgueil autant capable de prescience supersonique digne d'Autechre (le magnifique "Returnal Din" en clôture) que de jouer du synthé au coude en regardant vers le tube fluorescent avec lequel il éclaire la cave sordide qui lui sert de studio. Moitié super brillant, moitié portnawak, comme un bon vieux Hype Williams en somme. (OL)

BOAN - Mentiras (Holodeck)

Si l’on établit, en premier lieu, que BOAN est issu du premier groupe contemporain à avoir édité un LP chez Minimal Wave (la première non-réédition du label, si vous préférez), vous situez sans mal le duo Texan. Debut album sur cassette, ce Mentiras embrasse tout ce que les 80’s ont pu produire de pop clavière, minimaliste et vinyle (noir/artificiel/laqué). Romance et romantisme, amour froid et synthétique comme une capote usagé. L’auteur regrette cette dernière parabole. (MD)




Nicola Ratti "Wounded Boys" (Where To Now?)

Avant de devenir tout à fait un label un avant-poste de notre scène avant techno parisienne (rappelons qu'outre l'ami Tomas More et son projet December, le label britannique a récemment sorti une cassette de Nicolas "Geena" Molina pour son projet Accem Miyomi), Where To Now? nous sort donc des inédits de la première époque du Pole de Stefan Betke, quand il donnait exclusivement dans le digidub monochrome et sablonneux. Ou plutôt, la musique qu'on peut entendre sur cette nouvelle cassette de l'Italien Nicola Ratti ressemble énormément à celle bourrée de spleen et de parasites qu'on pouvait entendre sur les trois premiers Pole, quand 50% de la musique de Betke tenait au rack d'effets Pole Waldorf deffectueux utilisé extensivement par l'ingénieur du son berlinois qui lui avait permis de trouver sa voix. Vue la musique largement ennuyeuse et dénuée d'âme que Betke produit en 2015, on n'est pas mécontent que quelqu'un d'autre s'en charge. (OL)




Derek Rogers – A Physical Ascencion (Holodeck)

C’est un bon vent qui nous amène Derek Rogers. Si son premier album, A Physical Ascencion inspire la méditation et la transcendance, il aspire à ce genre d’œuvre qui s’annonce par bulletin météo. Disons-le tout de go, le Texan tricote le calme et la tempête d’ambient à la Lawrence English. Atmosphères portées à ébullition, mur sonore en crépi, laine de verre où l’on glisse à rebours, oui, Derek est un de ces artisans de l’ambient, un homme de texture(s) sachant utiliser la matière cassette et son vieillissement à bon escient. Ça paraît aussi chez Holodeck, label texan qui connaît décidément une belle saison de vendanges. (MD)




Kyle Lanstra – Unshared Properties I-IV (Sacred Phrases)

Le monde de la bougie parfumée et du cours de Yoga par correspondance exulte. Sacred Phrase fait paraître Unshared Properties, quadruple-cassette jéroboam où Kyle Landstra (producteur de Chicago aperçu chez Sonic Meditations ou SicSic) creuse des siphons cosmiques pour se sentir plus seul sur Mars que Matt Damon. Ode à la méditation où le drone s’avance autant en arpèges qu’à l’état gazeux, le quadriptyque de Lanstra ose la relecture contemporaine de ce que les anciens appelaient –bouche pâteuse et œil rougeot - du new age. Oui. Enfants, vous réviez d’être astronaute ? Lanstra élabore une longue dérive contemplative pour qui veut voir la pleine lune de plus près. Un beau travail sur l’électricité statique et son mouvement ou « comment dix doigts et quatre synthés peuvent tricoter jusqu’à l’infini et au delà ». (MD)




Heinz Hopf "Ids Inte" (Vitrine)

C'est quand même fou qu'il ait fallu attendre 4 revues de l'actu de l'édition cassette pour parler de harsh noise. Que ce manque soit ici comblé avec cette charmante décharge signé du duo suédois Heinz Hopf. Cette cassette est sortie pendant l'été mais sa présence se justifie également dans cette revue de novembre par le fait qu'on ne parle pas assez de harsh noise suédois non plus en général. (MF)
 

Radis Benu "Les Prspctvs" (Radis Benu)

Radis Benu est un musicien originaire de Petrozavodsk, en Russie, dont les deux instruments de prédilection sont la nature autour de sa maison (qu'il enregistre avec un magnétophone et un micro) et la platine cassette. Outre le fait que la musique qu'on y entend est riche en lipides et souvent belle à se damner, la présence de Les Prspctvs, sa première cassette qu'il sort lui-même sur un label qui porte son nom, justifie donc doublement sa présence ici. Quelque part entre The Caretaker et les collages lo-tech du retro-platiniste Philip Jeck, Benu façonne une musique subtile et lourdement chargée en rêves, en bruits parasites et en déjections, qui parle autant à l'âme mélomane pour les lambeaux spectraux de musique enfermés dans les fragments de musique qui s'y retrouvent précipités que les couches de poussière qui les font hoqueter. Cassette du mois, allez. (OL)




Head Technician "Exit Strategy" (Ecstatic)
 
Mais pourquoi diantre Martin Jenkins (alias Pye Corner Audio, alias House in the Woods) offre-t-il son premier projet proprement techno à un label cassette ? On n'en sait rien mais on trouve ça plus que ballot : c'est pas avec une cassette que le mec va se faire inviter à la Winter Music Conference de Miami cet hiver et faire copain avec Richie. (OL)

Blackest Ever Black – Low Company (BEB)

Blackest Ever Black, on ne l'a pas assez dit, porte un nom qu’un Pierre Soulages convoiterait. On se dit que c'est d'autant plus pertinent que le label londonien, peuplé d’artistes du noir, célébrait récemment ses cinq ans en un lieu où Soulages aussi a toute sa place : l’ICA. Pour l’occasion, toute la bande pose sur cassette ce qu’il détient de plus reluisant parmi ses fonds de tiroir. Jac Berrocal, David Fenech & Vincent Epplay, Af Ursin ou encore F ingers, autant de noms adorés dont les pelures valent bien mieux que beaucoup de fruits. (MD)

House of Traps / Ali "Solaris to Panthalassa" (Good Genes)

Dans la série mixes de digger à rêver dont 0.2% de la population des diggers de la planète sont capables de reconnaître les arcanes du tracklist, cette nouvelle référence du label londonien Good Genes propose deux voyages immobiles signés House of Traps (boss du label écossais Firecracker) et Ali (boss de Good Genes lui-même) qui se posent pas mal là. Dedans, il y a tout pour nomadiser depuis son fauteuil comme Pessoa dans Le Livre de l'intranquillité, de l'ambient, du bruit, des bruitages, du brouillard, des cloches, du silence, du synthé, des incendies, des cérémonies vaudou, des rituels sataniques, du dub industriel, de l'exotica et du DX7. (OL)

 

Blink-182 "Enema of the State" (srcvinyl)

Ceci n'est pas une plaisanterie : profitant du retour d'affection de notre génération bedonnante et passablement passéiste pour la musicassette, quelques organisations à but lucratif aux idées longues rééditent quelques classiques de cours de collèges à l'attention exclusive de ceux qui n'auraient pas conservé leurs stocks d'époque dans le grenier de leur parent suite à leurs décès ou à de trop nombreux déménagements. Je place celle-là pour Clément Mathon, qui sera sans doute tenté de faire chauffer la carte bleue. (OL)