La vie des labels cassette est souvent plus fragile qu’une bande magnétique. Et si la science ignore encore comment convertir l’âge cassette en âge humain, la courte année d’existence d’AUGHT nous a semblé durer une éternité.
Rares sont les labels cassette de la qualité d’Aught. Du tempérament d’Aught. Rares sont les labels (tout court) capables de composer une identité aussi forte, surtout en se masquant. Soustraire l’auteur pour que prime sa création. Rares sont les labels capables de se donner la mort avant de devenir incohérents. Alors ce mois-ci AUGHT boucle la boucle en invitant l’auteur de sa première sortie à réaliser la dernière.
Et comme nous pouvons parfois être bêtement sentimentaux, nous bouclerons nous-même la boucle en prenant pour oraisons, nos premiers propos sur AUGHT.
"Cela fait un an qu'une PME américaine réalise sous l'enseigne Aught de beaux produits tant dans son objet que son sujet. Enrubanné dans un gros voile d'anonymat, la maison édite des cassettes translucides vendues dans un pochon en plastique laissant le regard se consacrer à la bande noire. Symboliquement et visuellement, c'est d'une efficacité redoutable. Et puis c'est beau, aussi con que cela soit à dire. Le nom semble être le premier coup de dé d'où découlent les règles du label. Aught (rien à voir avec le groupe canadien du presque même nom qui l'écrit avec un "o"), issu de l'anglais archaïque, signifie - selon le contexte – autant "tout" et "rien d'autre" ou une manière de désigner une quantité plus faible que le 1. C'est juste, Aught (records) est un absolu, une entité singulière et totale s'étant constituée par elle-même. La politique de la maison, c'est le minimalisme ivre, prenant corps dans de lentes cérémonies à la gloire de divinités industrielles. Et quelque soit la cassette, vous apparaitra, bon an mal an, une composition de Turner où se fige la fureur du progrès mécanique avec sa machinerie, sa vapeur, son bruit (visuel)."
Ce minimalisme ivre, Turner, le plastique translucide et sa bande noire consacrée, AUGHT ne l’a jamais trahi. Et ce jusqu’à sa conclusion. Le label nous dit adieu dans un véritable chant du signe réalisé par Elizabethan Collar. Comme les neuf sorties précédentes, cette dixième reprend les canons de la maison. Là où la techno n’est plus qu’un pouls, un spectre, une impulsion, un geste. Un souvenir. C’est de la techno de la nuit dernière qui résiste. Le sound design est susurré. Le minimalisme forcené à chaque point cardinal. L’ensemble, jamais loin de l’anémie micro-house (le label Perlon pour ne citer que lui). Les arrangements à l’état liquide… En somme, pas un résumé mais une épitaphe à l’image du défunt. La cassette est sortie plus tôt ce mois-ci et, évidemment, était sold-out dans l’œuf. Au revoir Aught.
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