Après quelques concerts qui ont littéralement retourné tout le monde l'année dernière (notamment l'auteur de cet article), les dordognais Rien Virgule viennent de sortir un album à la croisée des undergrounds avant-rock, contemporains, improvisés, bruitistes et avant-garde. Et surtout, ils repartent en tournée : ne les loupez pas si ils passent près de chez vous, ceci est un vrai conseil d'ami.
Co-édité par une poignée de labels DIY qui empêchent la musique de s'endormir mollement dans ses pantoufles, ce Trente Jours A Grande Echelle est peut-être l'un des disques les plus organiques qu'on ait écouté depuis longtemps, et le fait de les avoir vus en concert n'a pas été étranger (une fois n'est pas coutume) à ce réel plaisir d'écoute.
Rarement, en effet, nous aura-t-il été donné à voir et à entendre des musiciens jouer autant avec les entremêlements de textures : on a du, par exemple, se concentrer à plusieurs reprises sur leurs gestes pour isoler les sons des synthétiseurs home-made impressionnants (et magnifiques) de Jean-Marc Reilla de ceux de la batterie de Mathias Pontévia, qui, en remplaçant ses baguettes par des micros et en flirtant avec les amorces de résonances de feedback, inventait sous nos yeux ébahis un nouvel instrument. Idem pour le chant et le clavier de Anne Careil, dont la radicale singularité pourrait la rapprocher d'une Meredith Monk ou d'une Maja Ratkje et qui, avec les synthétiseurs de Manuel Duval (de France Sauvage, Pousse Mousse et Nouvelles Impressions d'Afrique) finissent de lier l'ensemble vers quelque-chose de flippant-fascinant, de férocement rock, expérimental et folklorique, mais surtout de frontalement électronique, vivant, contemporain et intimement bouleversant.
Tout ça fait un album qui fait résonner les explorations de For 4 Ears, de Rectangle ou de Metamkine avec les derniers territoires découverts par Tanz Mein Herz ou encore le Cercle de Mallissimalistes, autant dire des hauts plateaux d'où le regard porte loin, ce que confirme la note d'intention de leur travail que voici : « Portant un même regard sur toutes les musiques qui nous animent - savantes et populaires, musiques électroniques, musiques contemporaines écrites et improvisées, musiques de transe, rock, traditionnelles, expérimentales - et à l’image de notre temps marqué entre autres par l’internet et l’accès infini aux références qu’il propose, la musique de Rien Virgule est une proposition radicale, viscérale et envoûtante autour de textes originaux de Anne Careil. Au fil du set se présentent des compositions et des plages d’improvisation. Fonctions rythmiques, mélodiques et bruitistes s’interpénètrent et s’échangent ; électronique et acoustique se confondent tant par la malléabilité de l’instrumentarium que par le traitement qui lui est réservé. »
Répétons pour conclure cette présentation qu'il faut vraiment les voir sur scène, et profitons-en pour voir ce qu'en dit le claviste Manuel Duval:
Première question un peu étrange pardon : je me suis demandé, après votre concert, dans quelle langue Anne chantait - en tout cas j'adore l'univers que ça fabrique, et je me suis même demandé si c'était du latin. Je te jure.
Anne chante en Italien. elle est dessinatrice et fait des collages. Elle s'occupe aussi de la partie graphique du label "La République des granges" dont je m'occupe.
Bon, obligé de parler du jeu de batterie de Mathias avec les micros, c'était complètement fou. Si tu veux m'en dire deux mots aussi. Mathias…
Le jeu avec les micros, c'est sortit comme ça en répét, pour entendre mieux des résonances de toms. Du coup, il n'y avait qu'un pas pour aller chercher d'énormes impacts de cymbales… Je ne sait pas si tu connais un peu son travail en solo et dans la scène impro libre, ça vaut le coup (ça fait plus de 15 ans que j'adore le voir : quelle énergie en solo !). Il joue aussi dans Ruhland avec Ian Saboya.
L'installation de synthés de maboule de Jean-Marc m'a littéralement fasciné aussi. Tu me racontes ?
Jean-Marc, c'est le bricoleur du groupe. Pour son installation, je pense qu'on peut parler de dispositif électroacoustique, avec des capteurs de surface, des objets électroniques détournés (surtout des jeux "circuit-bendés", si ça se dit), quelques instruments électronique genre petits synthés un peu cheaps et des effets. Aussi, on fait un duo tout les deux qui s'appelle 1000 Bouches.
Toi je te connais pour avoir lu ton nom sur les pochettes de France Sauvage, Pousse Mousse (super cool) et Nouvelles Impressions d'Afrique. J'en oublie ?
De mon côté, mise à part 1000 bouches donc, tu n'oublies pas grand chose. Je joue aussi en solo sous mon nom depuis peu et je m'occupe du label "La République des granges", donc. Pour mes sons, je ne saurais pas trop quoi te dire sans être chiant et technique, hormis que j'adore le phénomène de surprise en musique. Que des sons concrets qui remettent les pieds sur terre à des paysages purement électronique et inversement. J'aime que la musique raconte des histoires. Et donc tout ça, ça donne Rien Virgule. Pour parler du groupe, on peut dire qu'on a commencé par deux ans en mode "impro libre", même si j'ai de plus en plus de mal avec ce terme qui s'essouffle sérieusement, avant de se décider à composer. Je pense que ça nous a aidé à trouver une certaine manière d'envisager l'interprétation des compositions: réussir à interpréter un morceau en le renouvelant, en s'appropriant un lieu, une acoustique, un rapport au public… même si c'est des fois très subtil dans la forme, c'est sûrement plus dans l'intention que ça se joue.
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