Ici, rien n’a plus guère d’importance, car au moment où vous lisez ces lignes, à Mexico City, le label Umor Rex fait de nouveau montre de toute sa témérité et dévoile les muscles.
Si à la table de The Drone il y aura toujours un couvert dressé pour Umor Rex (ici ou là), vu le carton plein (plein de beaux objets emballées dans du carton recyclé) qu’est cette rentrée, nous hésitons même à leur donner un double des clés. Passage en revue et en quatre actes d’une rentrée réussie :
James Place — Interpretations of Superstition
"Cette (post-post) techno à texture, souvent glabre, filtrée et éclairée à la bougie, explore, elle aussi, toutes les nervures comprises entre le blanc et le gris". Voici en substance, nos pensées du premier album - Superstition - de James Place sorti précédemment cette année chez Umor Rex. Nous nous sommes relus. James Place aussi se relit. C’est la substance d’Interpretations of Superstition, relecture du premier album par son auteur après une demie année de confrontation avec le public new-yorkais. Car ici, c’est finalement le public qui façonne l’œuvre à quatre mains en compagnie de Phil Tortoroli (de son vrai nom). L’album gagne en densité, intensité et en temps réel. Ce premier album fait de contemplation, d’isolement et de désolation devient une matière vivante, animée, parfois grouillante. L’œuvre libérée de son auteur.
Rémy Charrier — Cowries
Rémy Charrier, talent d’en France, pourquoi ignore t-on ton nom ? Parce qu’à l’époque de tes primes succès tu te cachais dans le trio Depth Affect. Oui. C’était cette époque où la France voyait éclore ce que semait Prefuse 73. Vétéran du beatmaking, Charrier refait surface à Mexico où il réside en tant que visual artist. Et son parcours constitue les deux points cardinaux de son travail. Charrier beatmake un manège enchanté à la charge visuelle et au pouvoir d’évocation très fort, laissant fleurir l’improvisation et l’expérimentation sur la grande roue de la répétition. Et ce jusqu’à trouver une chère mélodique très épaisse. Bizarrement kraut, étonnamment hip hop et cousu de hooks.
Gultskra Artikler — Destroy Music
Le Moscovite Alexey Devyanin ambitionnerait de détruire la musique. Enoncé ainsi, cela ressemblerait vaguement à un projet néo-nazi. Reprenons. Repu de la musique qu’il a engloutie ces dernières années, Devyanin veut la transpirer, l’éliminer de son organisme. Matière mobile et malléable, il l’éclate et la reconstruit en générant de nouveaux motifs qu’il articule en collages. Exercice intellectuel passionnant, ce à quoi nous assistons est une lutte entre Devyanin et sa mémoire, son goût et ses automatismes créatifs. Un trompe-sa-muse en longue errance, une jambe sur l’électronique progressive, l’autre sur des expérimentations percutées.
Roberto Carlos Lange — Plural People
Quelque soit sa discipline, Helado Negro (ou Roberto Carlos Lange) demeure un artiste visuel. Cela tombe sous le sens à l’écoute de Plural People, dix ans de pièces sonores (1999-2011) réunies sur une même cassette. Doté d’un équipement rudimentaire, Lange a élaboré un jeu sur les espaces, s’inquiètant des textures, des matières, de la physicalité de ses sculptures sonores. Au final, Plural People dialogue avec un état de semie-conscience chez son auditeur. Par certains aspects on pense à Ryoji Ikeda par sa production à l’ébauchoir, à Alva Noto ou ce que produisait Bill Kouligas avec Tricoli dans cette création au volume. Plural People expose un individu dont toutes les facettes sont présentées sur un même plan.
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