Si vous découvriez Kara-Lis Coverdale avec Aftertouches, sa dernière parution chez Sacred Phases, vous étiez stupéfaits de sentir un Steve Reich lui bruler le bout des doigts. Vous l'étiez. Vous l'imaginiez composer une main sur le piano quant l'autre souligne de l'index les grandes heures de Philip Glass. Vous l'imaginiez. Et de toutes évidences, voir Kara-Lis coudoyer Oneohtrix Point Never n'était pas marque de strabisme. Ça ne l'était pas. Et ça l'est encore moins dans Sirens.
Toujours à tape-cul entre deux pôles du minimalisme, Kara-Lis Coverdale s'insère rigoureusement dans une pensée énoncée lors d'un papier que nous consacrions récemment au pianiste Bruce Brubaker : "l'interprète doit, plus que jamais à l'ère hypertechnologique qui est à la nôtre, s'investir dans l'interprétation comme un acte de création à part entière". Une jeune femme moderne, à l'aise dans son minimalisme, donc.
Un fait remarquable et remarqué par Tim Hecker, qui l'a invité à venir jouer du piano sur son dernier Virgins. Car s'il rôde une présence fantomatique dans le dernier album du Canadien (dont on vous parlait ici), c'est sans nul doute celle de Kara-Lis Coverdale. Une écoute de Sirens (surtout "Tunnel Vision") suffira à dénouer qui, des mains du premier ou de la seconde, s'enquiert de ces compositions verticales et de ce toucher en lévitation et constellation autour d'un centre tonal. On pourrait même s'emmerder à parler d'une harmonie pilotée par la densité et/ou l'intensité, issue de l'école spectrale mais l'emmerdement deviendrait contagieux. Puis à s'attarder sur Kara-Lis Coverdale, on oublie LXV. Soit David Sutton, un Goliath de la matière, dissimulé derrière ses écrans de drone, obsédé par ses tourbillons dans le statique. Lorsqu'il ne cherche pas à pousser les mêmes murs que Russell Haswell (récemment), Sutton tiendrait (plus anciennement) le même profil que … Tim Hecker. La carrière de Coverdale ne serait-elle qu'une quête de l'âme sœur ? Non.
Et ce Sirens, à paraître en mai chez Umor Rex : est-ce vraiment une collaboration ? À bien regarder, l'un noie l'autre. L'un déstabilise l'autre. L'un met constamment l'autre en danger. Tant mieux. De ce tir à la corde née une série d'hologrammes surréalistes dont nous vous présentons plus bas l'une des vignettes : "Informant". Sirens serait intrigué par "le lien entre séduction et violence". C'est pertinent. D'où le conflit permanent et l'harmonie dans la dissonance. D'où ces grandes nappes de lamentations dressées tout en langueur. Et c'est peut-être là, la clé à cette recherche du sacré dans le virtuel, dans la vie des fantasmes. À cette coquetterie, cette élégance dans l'absurde. Peut-être. A t-on besoin de préciser que l'objet est trouble ? Non. Troublant ? Encore moins.
Sirens sort le 19 mai. Tous les détails utiles sont sur le site d'Umor Rex.
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