Alerte icône. Reléguée au rang de "curiosité post-punk" hors des frontières de la péninsule hellénique, la poétesse et pianiste Lena Platonos (Λένα Πλάτωνος pour les intimes de la langue grecque) est identifiée chez elle comme une "belle excentrique" de l'envergure d'une Brigitte Fontaine chez nous, doublée d'une pionnière techno puisqu'elle elle fut la première à rabouler des boîtes à rythmes et des synthés dans un disque de pop grecque avec Sabotage, en 1981. Dans un article de 2008, Eric Dahan de Libération la présente comme "l'impossible chaînon manquant entre le dramatisme de Gréco et Barbara, la pop dérangée de Laurie Anderson et Scott Walker, Nico et Björk, la dance, la techno et Massive Attack" et aussi fou que ça puisse paraître, on aurait du mal à enlever un élément de la liste puisqu'aucun équivalent n'existe dans notre bon vieux terroir de variété.
Hors de Grèce, Platonos reste pourtant tout à fait inconnue. Item historique de la synth pop européenne, son Gallop (Γκάλοπ) de 1985 plus précisément tient bon dans l'imaginaire grec comme un classique de l'épaisseur d'un Oxygène mais demeure largement inconnu en dehors des cercles de diggers de punk et des collectionneurs de curiosités synthétiques qui se l'échangent, se le piquent et se le répiquent depuis deux décennies. Blâmons la barrière de la langue, qui n'aide pas à cerner son étrange emballage arty et poétique, ni la persona tourmentée de cette étrange diva qui a passé une partie de sa vie adulte dans un hôpital psychiatrique: à mi-chemin du spoken word et de la synth pop, Gallop a effectivement l'air de cacher la moitié de ses trésors dans ses mots, fatalement hors de portée du non-grécophone.
Mais à l'instar des grands disques de ses cousines Nina Hagen ou Jun Togawa (chanteuse très torturée et géniale des groupes new-wave Guernica et Yapoos dont on attend désespérement une actualité pour vous parler en détails), ce qui passe par la musique, audacieuse tout le temps, et la voix de Platonos, brûlante dans la moindre de ses inflexions, reste inestimable. Décidément impeccable dans ses choix (surtout les plus audacieux), le label californien Dark Entries réédite ce vrai classique (on précise "vrai" parce que les labels de réédition nous font le coup du classique 10 fois par semaine) fin dans un fac-similé exact de l'édition grecque originale et si l'on sait pertinemment qu'on parle trop de vieilles choses et de rééditions dans nos pages, la majesté évidente de l'objet nous obligeait à vous en parler.
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