Ce doit être aujourd'hui un calvaire pour un projet synth-pop infusé par les années 80 de trouver son public.
Pour une partie considérable de groupes américains ayant émergé après 2000 avec "l'indie sphère" (en gravitation autour d'Animal Collective et Ariel Pink : Chromatics, Beach House, John Maus, Panda Bear, Holy Ghost!...), faire renaître de ses cendres l'esprit hédonistico-romantique d'avant la chute du mur était un folklore, comme sculpter ses extravagances capillaires dans son viseur le fut pour les jeunes qui ont vécu cette époque rêvée. Mais l'aura des YMO, Human League, Depeche Mode et de la myriade de leurs pairs a tellement pénétré la jeunesse rock de ces 10 dernières années qu'on est à deux doigts, au-delà de notre propre amour pour ces groupes, d'y voir une génération sacrifiée.
Alle Norton (un nom qui sonne bizarrement pour un francophone : Alle est le diminutif d'Allene) a quant à elle initié son projet en 2013, c'est-à-dire un peu trop tard pour être affilié à la deuxième vague de groupes indie obsédés par les pads et les simulacres 80s (l'ondoiement brooklynite des Beach Fossils, Washed Out, Toro Y Moi, Small Black, Neon Indian...). Mais elle a la bonne idée de s'accoquiner aujourd'hui avec Ariel Pink, dont le rapport au passé et aux années 80 en particulier est mille fois plus complexe et enthousiasmant que celui de la grande majorité des groupes des deux vagues de nostalgiques impénitents suscités. C'est sans soute grâce à lui en tout cas que Cellars a pu s'imposer chez Manifesto.
Après un deuxième album très pop dont nous n'avons trouvé la trace que sur Bandcamp, Cellars est en passe de sortir Phases, troisième album prévu pour le 15 avril. Pour l'instant, on peut en écouter deux extraits, "Nighttime Girl" (reprise d'un morceau de son premier album Besides) et "Still In Love", respectivement prochaine playlist du coffee shop du coin de la rue où Norton a commencé avec sa guitare et slow langoureux sur lequel vos oncles d'Amérique ont dansé pour leur bal de promo. Au-delà des clichés et de l'impression de découvrir un inédit des Bangles sur VH1, il y a pourtant largement de quoi se sustenter dans cette évocation presque symbolique du pire de la variété américaine d'il y a trente ans. Comme Johnny Jewel et Glass Candy, Alle Norton maîtrise sa nostalgie et son fétichisme.
Phases inclut également la participation du batteur de HEALTH, ce qui devrait suffire à prouver aux autres, plus machos, que tout énième projet baigné dans la mare 80s qu'il soit, Cellars vaut peut-être de lui tendre l'oreille.
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