Je dois confesser un truc. Hier après-midi, je n'ai pas beaucoup travaillé. Ou plutôt si, j'ai travaillé, mais j'ai peu allongé de signes sur le traitement de texte; à la place, j'ai fait ce truc assez difficilement quantifiable en termes de productivité brute et assez généralement dévalué dans le monde du journalisme culturel contemporain qu'on appelle "de la prospective". Donc ouais, j'ai surfé sur Internet. La langue pendante, et le coeur battant la chamade, de surcroît, comme ça m'arrive approximativement une fois tous les 11 moins quand j'entends parler d'un soubresaut quelque part dans le petit monde de la dance music britannique.
En cause, cet article de fond paru hier sur Fact Magazine et rédigé par un collègue franco-italien installé à Londres du nom de Laurent Fintoni sur la drum&bass en 2013 - pourtant un sujet stable comme un Versailles en cure-dents. Moults exemples concrets et hyperliens sous la main, le journaliste (et accessoirement roommate de Om Unit dont on parle ici, mais chut), Fintoni y confirme grosso modo un fait qu'on sent fébrilement pointer à l'horizon depuis deux, trois ans: le renouveau de la jungle est au coin de la rue. Et on ne parle pas que d'un revival, de Photek, Lemon D ou Roni Size qu'on invite de nouveau à passer des disques dans les festivals; non, on parle d'un vrai ressac créatif avec des jeunes, qui survient enfin au bout de trois ans de marasme post-dubstep plus ou moins compliqués, plus ou moins palpitants.
A la racine de ce tressaillement, il y a les soirées Autonomic du vétéran dBridge, véritable pont suspendu entre deux époques dont les activités de musicien, de producteur et de label-manager pour Exit Records sont un modèle de resistance élégante. Mais le vrai reset vient d'ailleurs. Outre l'insubmersible règle du "cycle des 10 ans" - littéralement capable de remettre à flot n'importe quelle expression vaguement culturelle du moment qu'elle est survenue dans le passé - Fintoni cite l'influence évidente du footwork des cousins d'Amérique (eux-mêmes de plus en plus perméables aux vieux breakbeats de la jungle des 90s) et une tendance de plus en plus généralisée chez les jeunes et les vieux à l'accélération des tempi après une décennie à racoler à 140. La plupart des noms cités dans l'article ne sont pas complètement nouveaux (Fracture, Dub Phyzix, Kromestar) et la musique elle-même oscille plutôt entre l'electronica et le post-dubstep post-juke tenté par la jungle à la Addison Groove. Il n'empêche, la mise bout à bout dans une playlist iTunes des plus belles choses glânées en parcourant l'article ne laisse planer aucune doute: il se passe quelque chose qui devrait nous tenir en haleine un moment.
Parmi les mouvements discographiques les plus emblématiques de cette effervescence, il y a donc le maxi à venir sur Metalheadz (oui, Metalheadz) de Om Unit, boss de Cosmic Bridge et Civil Music, compagnon de longue date de Machinedrum (dont le nouveau Vapor City à sortir illico sur Ninja Tune est plein de beats flirtant avec la tension jungle). Principal instigateur de la tentation "half-time" (ces rythmiques hésitant sans cesse entre le midtempo alangui et son multiple précipité) dans le dubstep, son passage chez Metalheadz a des airs d'événement-qui-fait-sens voire de passage de flambeau. A l'écoute des trois extraits ci-dessous, on a bien sûr, aussi, un peu l'impression d'écouter un exercice de tribute troussé avec émotion par un garçon élevé à la jungle des origines directement dans le biberon; il se trouve pourtant qu'on en goûte les variations de breaks et les oscillations presque avec autant d'excitation que quand on écoutait pour la première fois la bible Platinum Breakz en 1996. Prochaine étape, le double-album ventru de Paul Woolford pour son projet Special Request. De gré ou de force, vous allez en bouffer, de la jungle, cette année.
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