On sait pas trop où on met les pieds ici. Mais ce qui est sûr, c'est qu'après avoir arraché nos yeux au frasques de Miley Cyrus à MTV ce week-end, on a été naïvement étonnés de voir que les codes de la pop mondialisée que l'on ingère en permanence - avoir des crampes à la langue, faire des trucs chelous avec ses fesses - puissent encore valoir la mort de leurs praticiens en d'autres contrées.
En dictature, il est de bon ton de modeler la culture populaire avec soins : clef de voûte de l'adhésion des masses, elle est naturellement un enjeu crucial du pouvoir en place. Le régime nord-coréen vient justement de faire honneur à l'usage en commandant l'exécution de l'ensemble de la troupe de musique classique Unhasu Orchestra, institution réputée de Pyongyang. 12 musiciens balayés en peloton d'exécution.
Deux griefs ont été invoqués par le régime. D'une part, les musiciens ont été accusés d'avoir réalisé et commercialisé des vidéos pornos, violant de la sorte la loi en vigueur en Corée du Nord. D'autre part, certains d'entre eux ont été revêtus des coiffes de dissidents politiques puisqu'ils ont été surpris avec des exemplaires de la Bible au moment de leur détention. Mais il faut aussi ajouter qu'une musicienne de la troupe n'était autre que l'ancienne amante de Kim Jong-Un - Hyon Song-wol, qui avait ensuite été écartée de la famille Kim par l'ancien souverain, - élément plutôt essentiel qui déplace dès lors le champ d'interprétation de ces exécutions vers des horizons davantage politiques.
À la manière des gigantesques défilés militaires qui ponctuent régulièrement les colonnes des médias occidentaux, les acteurs et évènements de la culture de masse nord-coréenne étayent autant un sens aigu du nationalisme qu'ils désservent le culte du chef d'État. Il semble donc que la dissonance idéologique induite par les activités de la troupe de Pyongyang aient touché de suffisamment près l'image du leader nord-coréen pour leur valoir une mort pure et simple.
En dézoomant un peu, la répression sanglante de ces actes signifie aussi une volonté de la part du régime de périmétrer les évolutions sociales et culturelles de la société nord-coréenne. Et même pour les acteurs culturels d'une propagande bien rodée, le champ des possibles demeure remarquablement étroit.
A l'heure où la K-Pop et la J-Pop s'exportent comme autant d'opérations de relations publiques et de vecteurs de mondialisation des cultures populaires asiatiques, la voisine nord-coréenne semble déséspérement figée sous une chape de plomb. En jeunes occidentaux naïfs que nous sommes, on se demande : verra-t-on de notre vivant l'éclosion, en Corée du Nord, de phénomènes culturels souterrains du genre dont on aime tant vous narrer les soubresauts dans les pages de The Drone et que même la Chine, dans son inclinaison actuelle au serrage de vis, semble autoriser? Les gens du coin ont certainement d'autres chats à fouetter (comme par exemple se remplir la panse et essayer de ne pas mourir), mais ça nous intéresse.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.