C'est un gros poisson que viennent de ferrer David Byrne et les gens de Luaka Bop. Ou plutôt, c'est un magnifique fantôme qu'ils viennent d'attraper dans le filet de la kulto-postérité (comme ils l'ont déjà fait pour Japonais Shoukichi Kina ou le psyché-bahianais Tom Zé).
Si vous avez traîné vos guêtres sur les blogs de musique en général et sur l'awesome Awesome Tapes from Africa en particulier, vous n'êtes en effet pas sans savoir que le Nigérian William Onyeabor est culte dans les bas-fonds du web profond depuis au moins 5 ans. Au même titre que l'Iranien Kourosh Yaghmaei et d'autres grands Africains comme Franco ou Francis Bebey, il fait même partie de ces artistes longtemps oubliés en Occident que les bonnes âmes diggueuses et voyageuses d'Internet ont très largement contribué à faire connaître. Jusqu'à présent, seulement deux de ses morceaux ont officiellement été réédités sur des compilations, la Booniay!! d'Afrodisiac et la Nigeria 70 de Strut.
Deux choses fascinent naturellement dans ses disques: leur sens singulier du funk, affable mais un peu plus torride que la moyenne de l'Afrobeat, et les synthés (Moog, Elka ou Sequential Circuits) qui ne se contentent pas de s'afficher ostentatoirement sur les pochettes dingues d'Anything You Sow (ci-dessus) ou Atomic Bomb. En huit albums autoproduits sur son propre label Wilfims Records, le Nigérian est en effet passé d'un funk de transe, motorique et enluminé d'orgues en fusion à un véritable electro funk robotique à la fois brûlant et distant, plein de snares mutants et de séquences acides, qui n'a effectivement aucun équivalent dans l'Afrique des années 60 et 70.
Le seul bâton dans les roues des rééditeurs, c'était Onyeabor lui-même. René born-again christian, le mystérieux Nigérian a définitivement quitté la musique à la fin des années 80 et refuse obstinément d'évoquer ses années sur la route et dans les studios. En notre temps si friand de jolies histoires, le fog de mystères qui rend sa silhouette si difficile à dessiner a pourtant quelque chose d'une boule de pain béni pour les marchans de disques. Dixit l'argument de vente des gens de Luaka Bop - qui n'expliquent pas comment ils ont réussi à le convaincre de finalement se laisser rééditer: "Certains disent qu'il a étudié le cinéma en URSS avant de retourner au Nigéria au milieu des années 70 pour fonder sa propre boîte de production, Wilfilms. D'autres disent qu'il a un diplôme de droit d'une université en Grande-Bretagne. D'autres décrivent un homme d'affaires qui travaille depuis longtemps pour le gouvernement nigérian à Enugu. Malgré plusieurs tentatives d'entretien avec Onyeabor lui-même et des gens supposés détenir des infos de première main sur son compte, Luaka Bop tente d'établir une biographie précise depuis 18 mois... en vain".
D'où le titre de cette première anthologie officielle, comme extirpée à la fatalité. Avec un peu de chance, on n'en saura jamais plus sur William Onyeabor. D'où le miracle de cette compilation que tous ceux qui copient de disque dur en disque dur les mauvais RIP de ses LPs partagés par les fous qui se sont ruinés pour les rapatrier n'attendaient plus. Tout ce qu'il y a à savoir sur son compte s'écoute sur ses disques. C'est une bonne nouvelle.
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