Si une bonne âme ces dernières années a eu la générosité de vous parler de ce disque, de vous envoyer quelques liens YouTube voire l'album découpé en fichiers MP3 douteusement rippés par un crate-digger doté d'un audioblog à un moment indéterminé des années 2000, vous savez déjà qu'il n'y a que des bonnes raisons de se réjouir de sa réédition. Véritable petit graal de grâce apparu en 1983 dans le fourmillant underground new-wave japonais, le double maxi 45 tours Utakata no Hibi (うたかたの日々) du combo jazz expérimental Mariah zone dans le même territoire post-ethnique, lumineux et déconcertant que les disques à peu près contemporains de ses compatriotes Hajime Tachibana, Chakra ou After Dinner, avec ce je-ne-sais-quoi de pop en plus qui le rend un peu plus culte et un peu plus digeste aux oreilles occidentales contemporaines.
Fomenté parmi quelques autres beaux projets par le compositeur / saxophoniste / arrangeur Yasuaki Shimizu (collaborateur régulier de Ryuichi Sakamoto, Pierre Barouh ou Towa Tei), Mariah a connu une carrière assez courte mais dense en disques (six albums en quatre ans) et en succès ("Shinzo no Tobira" fut un petit hit au Japon). Son multiculturalisme étonnant, assez proche de celui qui animait en occident les très clairvoyants Brian Eno, Marc Hollander ou Hector Zazou a permis à son fondateur de se faire connaître dans le monde entier et à faire jouer son talent hors du Japon: en Angleterre avec les Flying Lizards, en Belgique chez Crammed (on lui doit un très beau disque dans la série Made to Measure) où en France, où il a allègrement collaboré avec le producteur/journaliste/réalisateur touche-à-tout Martin Meissonnier, Manu Dibango ou l'Urban Sax de Gilbert Artman.
Parce qu'on aux anges de se procurer enfin en dur ce très bel objet (dont l'argus d'occasion atteignait jusqu'à l'annonce de cette réédition des sommets), on a demandé à Jean Nipon, qui fut parmi les premiers diggers / DJ qu'on a entendu faire la publicité de ce disque près de chez nous ces dernières années, de tenter de nous résumer ce qui, selon lui, constitue l'attrait si particulier de ce disque foncièrement magique "que le mot d'ovni n'est qu'une étiquette sale pour désigner" (pour citer une autre admiratrice du disque, notre consoeurAgnès Gayraud):
"Ce disque, pour moi, c'est un peu comme si le label Real World avait réussi son coup sans appropriation culturelle foireuse. Il y a ici un multiculturalisme ésotérique passionnant qui dépasse allègrement le cliché musique exotique d'Asie. C'est un peu l'équivalent de l'émission Megamix de Meissonnier, chaque morceau est fait avec candeur et honnêteté. Les seuls indices du pays de fabrication sont ces suites d'accords baroques typiques du caractère nippon, alliant dissonances et profonde mélancolie sans trop de regrets. L'esprit japonais n'est pas là pour pleurer sur le passé, et même dans ses moments les plus introspectifs, ce disque reste enjoué, enthousiaste et alerte, toujours ancré dans un optimisme qui, malheureusement, ne survivrait pas à la fin des années 80. Mention spéciale à Seta Evanian qui amène par sa voix une touche d'Europe de l'Est définitivement atypique à cette époque dans la scène japonaise (bien qu'une approche tribalo gothique ait toujours fasciné les musiciens japonais)."
Utakata no Hibi est réédité mi-septembre par le label new-yorkais Palto Flats. On vous conseille chaleureusement de ne point trop attendre pour le précommander.
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