Pas la peine d'être un collectionneur de manga vintage ou un vétéran japanophile tout frippé qui passe ses étés à la Cinémathèque avec des bouteilles d'eau remplies de saké premier prix pour apprécier cette réédition. Juré craché sur nos piles de Tezuka et nos coffrets Wakamatsu, c'est par la musique qu'on est arrivés la première fois à cette bande-originale merveilleuse et très toxique - pour tout dire, on n'a même jamais vu Kanashimi no Belladonna, le film d'animation très réputé produit par la Mushi (la société de productions d'Osamu Tezuka) et réalisé par Eiichi Yamamoto dont il illustre les images psyché, symbolistes as fuck (les inspirations de l'imagerie sont à chercher du côté d'Odilon Redon et Klimt) et insidieusement érotiques (le trailer qu'on peut voir sur Youtube est en tout cas bourré d'images hautements stylisées).
Formé dans les bars pour adultes du quartier de Ginza puis au Berklee College of Music, Masahiko Satō est un compositeur et un pianiste passionnant à plus d'un titre qui s'est fait connaître avec ses disques de piano traité au ring modulator et dont la discographie hyper variée et assez délirante va du jazz électrique cheesy comme il faut pour être consommé sans modération au collage façon musique concrète (le légendaire Amalgamation, avec Kimio Mizutani et les Sound Breakers).
Très influencé par la musique traditionnelle japonaise autant que la pop, la musique concrète et la musique contemporaine, très connecté comme son comparse Stomu Yamashta en Occident (il a collaboré avec Jean-Luc Ponty, Nancy Wilson ou Helen Merrill), Satō est un cas très à part de jazzman, à la fois très droit et très excentrique, comme seul le Japon des années 60/70 a permis d'en faire naître. Chez les diggers, Satō est ainsi immensément réputé pour les quelques scores qu'il a composé pour le cinéma et la télévision où il s'adonna tantôt à quelques excès pop, funk et psychédéliques tout à fait appréciables même en dehors du contexte du rare groove de digger maladif.
Les meilleurs exemples en sont les bandes-originales des deux épisodes historiques de Panda Kopanda (l'une des toutes premières collaborations des hénaurmes Miyazaki et Takahata des années avant la fondation des Studios Ghibli), de Yaksa, co-composée avec l'harmoniciste star Toots Thielemans et donc de La Belladone de la tristesse de Yamamoto, qui bénéficie des belles vocalises de la délicieuse Mayumi Tachibana et dont la réputation a longtemps dépassé celle du film qu'elle illustrait parce qu'un disque fut édité en Italie au milieu des années 70 (chez Cinevox, pour ceux que ça branche) alors qu'il était impossible à voir en salles.
Tout ça fait du pain béni pour Finders Keepers qui vient de rééditer l'objet en LP et sauve de la ruine quelques dizaines d'aficionados du film - tout à fait culte et tout à fait indisponible en DVD en France - et de collectionneurs de rare groove japonais. Rendez-vous sur le site du label ou chez votre disquaire pour vous le procurer.
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