Il est où le sang neuf? Il est où le vent frais? A force de déplorer qu'ils ne coulent (le sang) ni ne soufflent (le vent) presque plus nulle part, on en oublierait presque que le frisson ne tient parfois à pas grand chose. Un peu de désespoir, une goutte de sève et un soupçon de radicalité suffisent souvent à prendre en embuscade l'auditeur le plus désespéré du tiède qui a l'air de régner partout et du trop compliqué qu'on nous vend comme de la nouveauté.
Prenez les Australiens de Kitchen's Floor: non seulement le groupe est déjà de l'histoire ancienne pour les chanceux qui le suivent depuis que Matt Kennedy a fondé le groupe en 2007 (en même temps qu'il a ravivé presque à lui tout seul la flamme DIY en Australie), mais il s'exprime dans une lingua franca post-punk / post-hardcore / post-indie (on ne sait plus bien pour tout vous dire) que la plupart des spécialistes disent incapable de nous dire du neuf depuis une éternité.
L'écoute de Battle of Brisbane, le troisième album du groupe qui vient de sortir sur notre territoire sur le décidément très australianophile label parisien Bruit Direct (une aubaine si vous voulez bien me croire) s'apparente pourtant à un grand verre de Bloody Mary très épicé qui viendrait nous asséner un grand coup de fouet après une nuit à siroter du vin rouge très moyen au ralenti en pérorant des banalités sur la triste déliquescence du monde contre laquelle personne ne peut rien faire, surtout pas soi-même.
Âme troublée, troublante et seul membre constant du groupe, Kennedy le songwriter y déploie des trésors de beuglements, de variété et d'ingéniosité mélodique, du genre qui fouettent immédiatement les nerfs et qui font complètement oublier que d'autres musiques (Bach, Jeff Mills, Russell Haswell) importent dans nos vies au moment où l'on a la tête plongée dans ces labyrinthes de power chords approximatifs et de bruit. En d'autres termes, en dépit ou grâce au désespoir très communicatif qui anime les chanson de Kennedy (le titre ne vient pas de nulle part), Battle of Brisbane est le disque de rock le plus brillant, le plus vivant et le plus captivant qu'on a depuis longtemps, et on espère de tout notre coeur qu'il saura trouver une place dans le vôtre.
Notez aussi que Matt Kennedy sera en concert deux fois à Paris: le 14 septembre à l'Espace B avec Blank Realm et Rat Column et le 18 septembre à la galerie Treize et qu'il ne faudrait rater ça sous aucun prétexte.
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