On est toujours en quête de voix à suivre. De voix avec lesquelles se remplir. De voix avec lesquelles se rassurer, voire, modestement, se réinventer. Tristement, et c'est sans doute dû à une affaire de goûts et de manque d'investissement de ma part, je trouve qu'on en manque un peu, en ce moment, de ces voix singulières et saugrenues qui nous marquent, nous retournent, éventuellement nous font avancer ou reculer. Tout le monde chante juste, tout le monde chante original, mais tout le monde est un peu trop apprêté, tout le monde se fond dans la masse. Personne n'assume plus vraiment les beautés cachées de sa tessiture, parce que personne ne semble avoir le temps d'apprendre à les cultiver ou, pire, de simplement les écouter.
Très humblement, la songwriteuse australienne Elizabeth Downey, avec sa voix si singulière et si merveilleusement saugrenue, nous ramène donc à cet âge d'or de la musique indie (et bien plus si affinités) où la voix propre, propre à interroger tout le monde sur ce que tout le monde entend par les mots "beau" ou "laid", était tout ce qui comptait.
Fondés en 2007 au retour d'un séjour en Russie où elle était partie étudier les beaux arts, les Frightening Lights qu'elle forme avec Dan Hawkins portent quelques belles références sur leur dos - "notamment le poète russe Boulat Okoudjava et la chanteuse polonaise Slawa Przybylska, The Triffids, Roland Howard (de The Birthday Party) et Marianne Faithfull" - mais portent surtout aux nues sa voix complexe, très présente, rétive et pourtant très douce, qui rappelle lointainement celles de Marlene Dietrich, de Jennifer Charles d'Elysian Fields ou de la regrettée Cynthia Dall, sans la froideur de la troisième, les manières de la deuxième ou la théâtralité de la première.
Soit une voix qui crève le temps et nos habitudes, et qui n'est pas le moindre des mérites des paysages soniques créés par les bien nommés Frightening Lights. Frightening Lights, le précieux premier album éponyme du duo à fleur de gravier qui paraît ces jours sur le label parisien Bruit Direct (après quelques apparitions remarquées sur des compilations des labels de Melbourne Albert's Basement et Special Award) a été enregistré à la maison, sur quelques vieux orgues électriques et accordéons en bout de course, sans rien trop calculer ni se soucier surtout des tristes remugles du zeitgeist, jusqu'à se paye le luxe de se passer à la fois de rythmes, d'évidence et de pathétique.
Earl Kuck, un collègue bien intentionné, a comparé le duo "aux Bad Seeds avec une voix féminine" mais à l'écoute, par exemple, du bouleversant "All The Girls" ci-dessous, on se dit que leur musique mérite bien plus qu'une comparaison "prestigieuse". Si le coeur vous en disait, la sortie de l'album est annoncée le 17 novembre par le distributeur mais il est d'ores et déjà disponible en direct auprès de Bruit Direct.
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