Bon, le Record Store Day est passé mais, si vous faites dans la rétention anale (c’est-à-dire : si vous êtes collectionneur), il n’est pas trop tard pour acquérir la réédition vinyle de cette indispensable pépite de post-punk français qu’est Les tueurs de la lune de miel, par The Honeymoon Killers (qui n’est donc pas seulement ce film culte de 1970, aussi expérimental que néo-réaliste, narrant les meurtres en série d’un couple de marginaux amoureux en road-trip), étrange et jouissif monstre pop de 1981, « quelque part entre Maurice Chevalier et James Chance », selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung d’époque.
The Honeymoon Killers - "Decollage"
03:06
C’est en effet une étrange synthèse que proposèrent alors le combo hétéroclite formé par les bruxellois punks et iconoclastes Les Tueurs de la lune de miel (Yvon Vromman, Gérald Fenerberg et Jeanf Jones Jacob III, déjà auteurs d’un premier album en 1977,
Special Manubre, sur l’éphémère label Kamikaze de Marc Moulin) et le Aksak Maboul de Marc Hollander, Vincent Kenis et Véronique Vincent (déjà auteurs alors de deux albums), ces derniers joignant à la fureur des jeunes délinquants musicaux bruxellois leur virtuosité et leur expérience des avant-gardes de l’époque.
The Honeymoon Killers - "Fonce à mort" (live at the Hacienda)
09:11
Le résultat musical est un Frankenstein pop-moderne inédit. Le groupe européen et souterrain explorait d’un côté une certaine tradition de la chanson française, hyper-mélodique (Maurice Chevalier, Charles Trenet, Serge Gainsbourg) ou yéyé-décalé (Delphine, Clothilde ou le duo rigolo
El Blaszczyk), reprenant façon punk-ironique le Nationale 7 de Trenet (seul véritable « hit » du groupe, qui lui ouvrit un temps les plateaux TV), ou, façon punk-féministe, le "Laisse Tomber les filles" de France Gall/Serge Gainsbourg.
The Honeymoon Killers - "Route Nationale 7" (Silly TV Medley)
03:15
Ces doux amants développaient en même temps une version européenne du post-punk new-yorkais (Talking Heads, James Chance, Lizzy Mercier Descloux), rebondissant sur les variations synthétiques de Telex en Belgique, les
autobahn de Kratwerk en Allemagne, pas très loin non plus des français Stinky Toys ou
Cha Cha Guitry, également récemment réédités, avec qui ils partageaient ce goût pour les virées en bagnoles mises en musique, les accélérations de guitares et les coups de klaxons joués au synthé, comme sur ce "Fonce à mort", moins nihiliste que fuyant l’ennui contemporain dans tous les excès de vitesse.
The Honeymoon Killers - "Histoire à suivre" (live at the Hacienda)
05:59
Le combo éphémère distilla pendant quelques années, sur toutes les routes de France et d’Europe (enregistrant même une
Peel Session, après une belle
review du NME), son mélange étonnant et détonnant de modernité futuriste et de chansons populaires, mariant froideur cold-wave (« V
éronique Vincent sings like a deranged pop idol, smiles like Bardot but stays as cool as a refrigerator » écrivait le journal allemand FAZ en 1982), rythmiques primitives et hymnes à pogos, avant que chacun ne parte vaquer à ses occupations respectives.
The Honeymoon Killers - "J4" (live in Cologne)
03:59
Dans le sillage de leur pop dadaïste, mariage survolté de révolte et d’humour, on trouvera, pour le pire (les casseroles), les alternatifs français des 80’s (VRPs, Satellites ou Béruriers Noirs), et pour le meilleur (les grains de riz), le duo gémellaire et franco-berlinois Stereo Total (qui a également repris, à la manière de, l’unique tube des Honeymoon Killers, leur reprise synth-pop de "Nationale 7"). Les amants de la lune de miel furent donc un beau mariage et eurent d’étranges enfants…
The Honeymoon Killers -
Les Tueurs de la lune de miel est d'ores et déjà disponible en LP sur Crammed Discs.