Il y a quelque chose d'éminemment japonais dans la house de Sōichi Terada. C'est un quelque chose assez difficile à pointer du doigt parce qu'il est densément intriqué dans des organismes hybrides rapiécés à partir de matériaux deep house et garage foncièrement américains, mais qui sautera sans doute aux oreilles de quiconque s'est un jour retrouvé échoué dans un club sordide de Roppongi, a passé plus d'une après-midi à browser la pop japonaise de la fin des années 70 au début des années 2000 ou collectionne les disques pourtant tous très différents (et très différents de ceux de Terada) de Towa Tei (remember Dee Lite?), Rei Harakami ou Susumu Yokota.
Comment extraire ce quelque chose de syncrétismes aussi compactement tissés que les bangers brûlants en écoute ci-dessous? En citant peut-être l'extrême précision plastique des collages, ou la densité étonnante des événements, grands ou petits, qui s'y passent, ou bien l'attention toute particulière portée aux matériaux exogènes, sample de shakuhachi, snippet de diva ou chant de moine bouddhique japonais, ou encore les émotions pleines et franches, l'amour de tous les matériaux, bleeps techno, emprunts kitsch à Public Enemy, Earth Wind & Fire ou Jimi Hendrix ou nappes buddha bar, enfin la naïveté sublime avec laquelle tout ça déboule sans la moindre distance ni la moindre ironie dans des morceaux aux airs de petites odyssées à danser et à rêver.
Tout ça pour dire que la première anthologie thématique consacrée par un label occidental à Far East Recordings, le label que Terada dirige depuis 1989, nous fait immensément plaisir et que nous ne sommes pas les seuls à y trouver plus que notre compte - la plupart des références du label publiées dans les années 90 plus particulièrement s'échangeant à des prix délirants sur Discogs & co. depus quelques années.
Commandée par Rush Hour, tracklistée par le Berlinois Hunee à partir de diverses références du label parues entre 1991 et 1993, Sounds from the Far East ne remplacera pas, chez les diggers relous, les deux compilations CD éditées par Terada lui même en 1992 et 1993 (car oui, la hype du cd digging est au coin de la rue) mais fait la plus excitante anthologie "découverte" proposée par un label de house depuis bien longtemps.
Quelqu'un se souvient de The Original Art-Form, anthologie luxueuse consacrée aux oeuvres du collectif tokyoïte hip-hop / house Major Force West balancée sans crier gare par James Lavelle de Mo'Wax en 1997? Et bien Sounds from the Far East est de ce tonneau là, et bien plus encore puisque le disque permet de rappeler à quel point et à quelle échelle le Japon est une immense nation pop, quand bien même elle est bien en peine de nous le prouver depuis une dizaine d'années. Signalons enfin pour les curieux qui s'intéresseraient aux activités actuelles de Terada qu'il a trouvé la plénitude zen avec Omodaka, étonnant projet compactant d'un seul geste chiptune, j-pop bien salée, house et musique traditionnelle min'yō.
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