La seule raison pour laquelle on n'a pas écrit en long, en large et en travers sur le nouveau Actress en mars dernier, c'est que c'était vraiment pas la peine qu'on le fasse. Le gars Darren Cunningham a beau avoir sorti le disque le plus sévère et insondable de sa carrière (et de l'année électronique en cours), les honneurs et les bons points n'ont pas arrêté de tomber de tous les côtés. Et ça nous a fait un peu la même impression désagréable que ce moment étrange, autour de 2002, où Black Dice caracolaient en haut des pages mode des féminins parce que James Murphy s'était entiché de leurs fringues trop délires. 

Il faut ajouter que R.I.P. ne nous met pas à l'aise. L'album a certes infusé en partie sa magie spliffée dans nos esprits malades, mais force est de constater qu'on a pas capté grand chose de ses raisons formelles (la soustraction, jusqu'au silence) ni de ses horizons théoriques (l'harmonie des sphères, Pythagore, oui mais encore?). Et puis deux mois après, on pense beaucoup moins souvent à l'écouter que les increvables Splazsh et Hazyville. Pour résumer, on opine en premier du fait qu'Actress est l'un des trois ou quatre artistes électroniques les plus importants à avoir émergé ces cinq dernières années, mais R.I.P. nous évoque plus un coup de poker audacieux-suicidaire (on choisira dans six mois l'epithète qui convient le mieux) qu'un ébaubissant accomplissement. 

Sur ce mix chaud et épais comme une soupe de fèves, le Londonien retrouve en partie les beats flasques et les ombres garage qui nous ont rendus ses deux premiers albums si indispensables, et dont l'amputation partielle rendait R.I.P. si sévère. Comme à son habitude, Darren Cunningham livre sa pièce en l'état, sans explication ni tracklisting. C'est parfait.

Si on faisait un peu plus confiance à nos émotions et si on avait pas couru si vite chez le disquaire pour l'acheter, on dirait probablement qu'il y a plus de musique et d'idées dans ce mix que dans R.I.P. tout entier. Le mix s'écoute ici.