On le sait peu parce que peu l'ont interviewé, mais Uwe Schmidt est l'un des penseurs les plus importants de la musique de notre temps. D'une certaine manière, l'intégralité de ses projets (le mécompris Señor Coconut y compris) et choix de carrière (autarcie, surproduction, exil au Chili) peut être lue à l'aune d'une thèse: la culture occidentale est en déclin et le cul-de-sac mortifère dans lequel croupit la musique électronique depuis vingt ans en est l'un des exemples les plus probants.
Farouche activiste de la partie progressiste de la musique électronique, ce techno-positiviste élevé aux techno-prophéties de Kraftwerk partage ainsi plus ou moins explicitement son oeuvre entre objets brillamment réflexifs et grimaçants et explorations plus ou moins biaisées d'un Eden électronique délaissé. Ainsi son dernier disque décemment célébré, le fabuleux Liedgut, le voyait rejoindre avec ferveur Schubert et Florian Schneider via la langue allemande, la valse et le bruit blanc quand, en regard, le très con et très radical Music is Better than Pussy le voyait s'en prendre frontalement à l'internationale house dans ce qu'elle a de plus vulgaire et paresseux.
Plus ambitieux et plus ambivalent, HD fait un autel très sérieux au miracle du Son Electronique contrôlé en bits et en cadence et joue le jeu de la pop en invitant new-wave brutale à la The Normal, techno pop kraftwerkienne ou, euh, Jamie Lidell pour mieux s'en prendre à ses sbires. MTV sur "Empty", Lady Gaga, Justin Timberlake et les majors sur "Stop Imperialist Pop", Internet sur "The Sound of Decay", les cibles sont ces grosses ambulances qui n'ont plus l'air de gêner qui que ce soit mais les attaques sont pleines de malice et délicieuses ("Internet killed the Video Stars, I am thrilled, yeah").
Du côté de la foi, surtout, l'Allemand reste imperturbable. Par la forme et par les sons, HD inflige un camouflet à la foi aux étalons pop contemporains et à tous les gens qui font de la musique avec un ordinateur. Le précédent Atom™ Programmiert Den Scheiß Aus Sich Raus. (Eine Populärwissenschaftliche Stückesammlung) célébrait la valeur travail à l'époque des logiciels qui font de la musique tout seuls, HD reprend à son compte les architectures très pures de toute la proto-techno technophile (dont les gens de la bande Raster-Noton, qui sortent le disque) et, plus haut dans l'histoire, de Kraftwerk bien sûr. L'éminemment kraftwerkien "Pop HD" qu'on vous fait écouter en premier invite le francophone Jean-Charles Vandermynsbrugge (des Fous de la mer) à s'ébahir sur le spirituel dans la sinusoïde et c'est beau, étrange et naïf comme quand Ralf Hütter louait la radio, l'ordinateur ou les robots.
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