Il y a quelque chose de cristallin, presque schématique dans l'histoire de Jack Dunning. Comme tous les dubsteppers de deuxième génération, il est tombé dans la marmite bass music adolescent, aux premiers jours du hardcore, en dévorant les cassettes que lui prêtaient ses camarades de classe ou en se branchant le weekend sur l'une des soixante radios pirates qui émettaient dans la région; élevé à une heure de train du centre de Londres, il a vite fait de se maquer avec une locale pour écumer les clubs sans se soucier de comment rentrer, et a (presque) atteint la majorité au moment des premières Sunday Sessions de Metalheadz, au Blue Note Club d'Hoxton; puis une génération de producteurs plus tard, il a vu la lumière au Mass de Brixton, aux mythiques DMZ Nights de Mala, Coki et Loefah où s'est aggloméré ce genre étrange de la dance anglaise qu'on appelait le dubstep.
Là où Jack Dunning diffère de ses pairs, c'est dans l'intense singularité de sa musique. Un brin timide et mimétique sur son tout premier maxi (le vrombissant Kingdom), l'Anglais a instantanément pris le pli, en même temps que ses collègues de Hessle Audio (Ramadanman/Pearson Sound, Joe, Pangaea) de la formidable tendance du genre à muter au rythme d'une révolution par semaine. Surtout, il a été le plus prompt à le faire exploser.
Pionnier (involontaire) de ce tsunami de formes folles qu'on a péniblement conglomérés sous le sigle "post-dubstep", il fut le premier à donner sa chance à James Blake en le signant sur Hemlock, et parmi les premiers à faire paniquer les chroniqueurs en balançant les monstres "Anaconda", "Just For You" ou "Dante", des objets formels incroyables d'extravagance en même temps que de pertinence dance. C'est par là qu'Untold a acquis son statut étrange de "producteur de post-dubstep préféré de tout le monde", y compris les allergiques notoires au dubstep: les mutations qu'il a fait subir à l'entité garage comptent parmi les plus audacieuses et les plus badass de tout le paysage dance anglais, haut la main.
Ainsi tout ce qui a suivi dans la carrière de Dunning ne fut que chambardement et métamorphoses. Après une poignée de maxis à folâtrer avec les schémas de la house et de la techno (dont un pour l'emblématique Clone de Rotterdam), l'Anglais a même fini par faire sécession avec la dance pour son très attendu premier album. Déflagration inouïe de bruits, de basses sauvages et de pulsations dépravées, Black Light Spiral est à la fois un hommage vibrant et judicieux à la culture bass music londonienne dans son ensemble (du ska jusqu'à la jungle) et un pur disque de noise contemporain, et sinon le plus accueillant et le plus accompli, sans hésiter le plus culotté et plus courageux des disques émergés de la galaxie dubstep. Avis à tous ceux qui désespèrent que notre temps accouche d'artistes majeurs de la trempe de ceux qui ont traumatisé leur adolescence: si la musique d'Untold ne vous a pas encore abasourdi, il n'est pas exclu que plus aucune nouvelle musique sur la Terre ne soit encore en mesure de le faire.
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