I:Cube "Disco Cubizm (Daft Punk Mix)" (Versatile)
Hiver 1997. L'année de mon bac. J'attends impatiemment la fac et la liberté. Pas que le lycée me fasse l'effet d'une prison (j'y suis pas mal), mais je sais déjà que mes cours se dérouleront près du métro Saint-Paul, entre l'extrémité du Marais et Bastille. Bastille, quartier des disquaires, de Rough Trade, de Wave, de la Fnac Bastille aussi, qui peut se vanter d'avoir le plus gros stock de maxis de house de toutes les FNAC de Paris. Depuis ma salle de classe mal éclairée de la Porte de Clichy, je ne pense qu'à ça. Et puis à Picnic Attack, cet incroyable album de house filtrée que j'ai acheté 130 francs en double 33 tours après avoir lu une chronique dithyrambique de Fabrice Desprez dans Magic!, d'autant plus incroyable qu'on y entend surtout autre chose que de la house filtrée, de l'electro funk de film d'horreur, des nappes épaisses comme du fromage blanc ou de la deep house ultra mentale avec des rythmes qui se baladent entre les temps comme Fred Astaire sur le plafond de son appartement dans Mariage royal. J'ai entendu dire aussi que Daft Punk, qui viennent de sortir un premier album avec lequel la presse spécialisée n'est pas tendre (surtout Coda, qui dénonce un pillage et bonne et due forme de toute la house américaine) mais dont l'écoute éclatée sur quatre faces de vinyle me satisfait entièrement, ont remixé "Disco Cubizm", le morceau qui me rend dingue au milieu de la face C. Quand je l'entends pour la première fois, sans doute dans Blot Job, l'émission que David Blot anime tous les jours de la semaine en fin d'après-midi sur Radio Nova, je n'en reviens pas. Le truc est encore mieux que le remix de "I'm the Baddest Bitch" de Norma Jean Bell par Motorbass, que j'ai élu meilleur remix du monde dans ma tête au moins 200 fois depuis que j'ai eu la bonne idée de l'enregistrer en cassette à la volée, sans doute sur Radio Nova, sans doute dans Blot Job aussi. Ces petits sons découpés très courts qui découpent le temps me rendent dingue. Je sais que ça n'a rien à voir mais ils m'évoquent un peu Chiastic Slide, ce disque du mystérieux duo électronique Autechre avec lequel je bataille depuis que je l'ai acheté en prix nouveauté à la Fnac des Italiens. Quelques temps plus tard, j'entends parler quelque part, peut-être à la radio, peut-être dans un article de magazine, de la "bleep house" et de LFO. Je repense à ces petits sons découpés. Ma vie a changé. Bon anniversaire, Versatile.
Leon Vynehall "Midnight On Roadbow Road (Beat Edit)" (Rush Hour)
Ce qui est bien avec les morceaux de Leon Vynehall, c'est qu'ils donnent toujours l'impression de célébrer la victoire de quelque chose. Sérieux, ça marche avec tout. Un match de handball, une boucherie collective au sommet d'une colline, la découverte d'un vaccin qui va sauver la moitié de l'humanité. Pour cette version rythmée de la merveille ambient dont il avait fait don à la compilation Musik for Autobahns de Rush Hour, on visualise par exemple la victoire d'un espèce super rare de rongeurs des steppes comme l'hétérocéphale contre une colonie de gros rats dégueulasses venus d'une grande ville après une épidémie de malaria. Ou contre l'homme, ce parasite immonde qui survit parce qu'il sait fabriquer des ponts et des symphonies.
Drones Club "Telescope Lover (Tuff City Kids remix)" (PMR Records)
Ok ce morceau est un peu horrible. Le kick est moche, le riff de piano est nul, la boucle de voix n'a aucun intérêt. C'est une punition à tous les niveaux du spectre sonore. Il n'a rien à faire dans ce Panier de crabes. Pour une raison que je ne m'explique pas, je trouve pourtant quelque chose d'une vérité à grignoter dans sa laideur, sa banalité et son manque d'à propos. Ce morceau, c'est un gif animé rigolo avec un vieillard, un bout de viande et un ordinateur qui ressort tous les trois ou quatre mois en masse sur douze sites de buzz montés par des rescapés de la première explosion de la première bulle internet et des centaines de profils facebook d'innocents qui avaient réussi par quelque miracle à passer à côté de son existence jusque-là.
Truncate & Jimmy "Submission" (Ultramajic)
La question très sérieuse étant de savoir si "Submission", le titre de ce morceau répété en boucle comme une injonction de la première à la dernière de ses mesures est une méchante mise en abyme du genre techno tout entier, voire une mise en demeure de sa manière pas forcément bienveillante (= 卐) de soumettre le corps et l'esprit par la répétition ad lib des mêmes motifs et des mêmes sons percussifs déchaînés.
Project Pablo & Wolfey - Duatang (Church)
Alors en fait Project Pablo est un gars normal de la house, et les tracks lo-fi cracra des débuts n'étaient qu'une passade pour faire plaisir à ses copains ? Dans "Duatang", il y a plus de basses, un peu moins d’idées. C’est efficace. Mais on aimait mieux quand il faisait de la la house cassette pour les copains.
Carrot Green & Selvagem "Ossain (Disco Halal Brazil)
J'en place une pour Titi, prof de tennis au chômage et mascotte de l'UFR d'anglais Charles V qui passait ses après-midi à jouer du berimbau dans la cour au lieu d'aller en cours de version. Il aurait sûrement adoré "jammer" sur ce morceau.
Crash Course In Science "Jump Over The Barrels (Charles Manier remix)" (Dark Entries)
Qui appeler pour un remix décent d’un groupe qui fait du post punk/ minimal "qui a sorti un seul disque cultissime qui a fait leur réputation pour l'éternité" ? Bah, JTC.
Mathis Ruffing "Gaia" (Banlieue Records)
Oh le joli bidule que voilà ! Selon l'angle, le contenu de l'estomac ou l'heure de la journée, il doit même changer de couleur, de forme, d'odeur voire de goût si on a l'idée étrange de le lécher. A 15h37, en pleine digestion d'une fougasse aux trois fromages très douteuse, j'y entends en tout cas une pompe adorable de Luke Vibert, tout en soupçonnant d'en entendre quelque chose de très différent en le réécoutant ce soir à l'apéro ou après-demain à la même heure.
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