Flabaire est un trublion. Aperçu souvent aux côtés de ses camarades du label D.Ko, servant la dance music sur tous les fronts, il se fait une nouvelle fois remarquer en sortant si vite son premier LP. Et c’est une sortie étonnante, pour lui comme pour le label qu’il a co-créé: la musique y évolue loin des dancefloors. Une recherche de crédibilité artistique ad hoc pour un jeune producteur ? Le titre vient se poser en réponse : It’s Just A Silly Phase I’m Going Through.
Mais la surprise est bonne. Car on y entend beaucoup de choses, dans cet album : du breakbeat détourné, de l’ambient ou des breaks jungle pacifiés . Le tout ne donne pas une tambouille confuse, dont les mauvais journalistes diraient qu’il s’agit d’une « musique inclassable », mais plutôt une house inspirée, sentant bon l’air du temps par son déracinement temporel et géographique. Soit une certaine vision de la house music en 2016, où l’on se réapproprie des rythmiques qui sentent bon le Bristol 1996, dont les ambiances feutrées rappellent les allemands de Dial et les samples qui tournent en boucle cet âge des possibles de la musique électronique française qu'on appelait la French Touch.
Intrigués et parce que ça fait un moment qu’on suit les affaires de son label D.Ko, nous somme allés lui poser quelques questions sur le pourquoi du comment. Sans vouloir spoiler la fin : tout va bien.
D.KO03 - Flabaire - Early Reflections E.P.
Pour commencer simplement : pourrais-tu te présenter ?
Je m'appelle Ralph, j’ai 22 ans, je suis producteur de house music, DJ, fondateur de D.Ko… Et bassiste de Secret Value Orchestra.
Commençons par les débuts : quelles ont été tes premières expériences avec la musique ?
Ça remonte à assez longtemps en fait ; j’ai grandi dans une famille de musiciens. Mon père avait un groupe de rock dans les années soixante avec mon oncle, mes frères et sœurs jouent de la musique, mon cousin joue de la musique… J’ai commencé le piano à trois ans. Et puis des trucs en famille, les dîners où on joue les Beatles… Du rock psychédélique, Pink Floyd… Tout ça pour dire que j'ai longtemps tatonné avant de me mettre à la musique électronique.
Comment es-tu venu à la house ?
Ma grande sœur m’avait offert le Discovery des Daft Punk quand j’avais sept ans, ça m’était toujours resté dans un coin de la tête depuis. Puis quand il y a eu cette vague « French Touch 2.0 », avec Justice... J'’étais ado et ça m’a vachement parlé. Enfin, « vachement parlé »… C’était le truc du moment ! Je suis rapidement passé à autre chose parce que ça tournait un peu en ron. De là je suis passé à des trucs plus minimalistes, plus mélodieux comme Pantha Du Prince. Puis de là je suis passé à la deep house. Un chemin assez logique.
Qu’est-ce que tu retiens le plus de tout ça aujourd'hui?Beaucoup plus le rock disons. Enfin c’est un mauvais terme… Quand je dis rock ça peut être Pink Floyd, les Beatles, comme Joni Mitchell, des trucs très folk, des trucs super prog… Mais le rock en termes vastes, oui. Après en choses plus électroniques je dirais d’abord Move D. En terme de production, ce qu’il a fait est tellement vaste. Et la French Touch. La première vague ! Pepe Bradock, Cassius, Motorbass…
Après des premières expériences en famille, tu as joué dans des groupes ? J’ai commencé la guitare à 8 ans et j’ai arrêté le piano parce que ça bloquait du côté du solfège. J’ai eu mon premier groupe au collège, dont le batteur était Micky P. /Mud Deep de D.Ko… On a toujours fait de la musique ensemble ! Puis j’ai déménagé en Belgique à 14 ans, à Bruxelles, et on a fait la première partie des
Rasmus, des trucs comme ça. Ce n'est pas très glorieux mais c’était marrant à faire. Vers 16,17 ans je me suis mis à Logic et à produire de la musique électronique.
Tu te sens plus musicien que DJ ? C’est vraiment différent. C’est cool de mixer, ça me permet de faire de la thune et j’aime vraiment beaucoup le faire. Mais la production reste un moyen d’expression plus personnel, plus fort. Je ne fais pas vraiment de hiérarchie, ce sont deux trucs vraiment à part. La production c’est le boulot, DJ… C’est le fun ! Quand je mixe, je mixe house, French Touch, des trucs pas trop sérieux… Alors que ma propre musique est beaucoup plus deep, plus mélancolique. Aux antipodes de la musique que je joue en club. D'ailleurs, je ne mixe jamais mes propres tracks.
Flabaire - Morning Lights (STW Premiere)
Est-ce que tu peux me raconter l'aventure D.Ko ? En fait je connaissais Théo depuis le collège. Pendant que j'étais en Belgique,lui, Gabriel et Mézigue ont commencé à mixer à Paris. Moi j’habitais encore à Bruxelles, j’étais à la fac. Ils mixaient pas mal à La Karambole, et par souci pratique, pour pouvoir être payés, ils ont dû créer l’asso D.Ko, qui était au début un truc juste pour pouvoir mixer. De là ils ont commencé à s’organiser. Je les ai rejoints et on a créé le label comme une extension logique. Le label est une vraie affaire collective.
Concrètement, comment ça se passe ?
Nous somme comme une sorte de « comité exécutif ». On gère le label tous les jours, on prend les décisions… Après on est plus que quatre, dans le crew : il y a Mad Rey forcément, qu’on a rencontré à travers la musique et qui est devenu un super pote. Et Sandro, qui est mon cousin. Il y a aussi Larry Houl, Paul Cut… On bosse tous ensemble oui, mais on assure la direction artistique du label à quatre.
La sortie de ton LP c’est un peu un jalon pour le label ? Clairement. C'est un cap important. Au départ, on voulait sortir un LP de Mad Rey, mais il n'était pas tout à fait prêt. Il ne se sentait pas de sortir une compilation de chansons, donc on a un peu repoussé l’idée. De mon coté, j’étais un peu opposé à l’idée d'un album house. Je pense que c’est une musique qui se prête plutôt au format maxi. Un album de douze morceaux club à la suite, ça a peu d’intérêt. Finalement j’ai commencé à faire ces
tracks qui sortaient un peu du format club… J’en ai fait deux, trois à la suite, puis je me suis rendu compte que ce serait parfait pour ce format. J'ai fait l'album en deux mois, l’été dernier.
(OUT ON D.KO RECORDS) Flabaire - Morning Drama (Keys by Paul Cut)
À l'inverse de tes camarades de label, tu parais avoir peu recours aux samples. Ce côté "joué", c'est lié à ton background de musicien?Carrément ! C'est d’autant plus le cas sur l'album, qui tourne le dos au format club. J’essaie d'obtenir le son plus organique possible.
Pour revenir un peu sur ton premier EP, il me faisait penser et en particulier Local Control à Playin 4 The City ; ça se tient ? C’est un de mes artistes préférés. Je trouve qu’il a le son le plus classe des vingt dernières années en terme de house. D’ailleurs je l’ai vu en live il n’y a pas longtemps, au Djoon… C'est le meilleur live de house que j’ai jamais vu. Donc oui, c'est une grosse référence.
(OUT ON ORGANIC MUSIC) Flabaire - Kemia Fever
Ne revenons pas sur la vieille question d’une scène parisienne, mais est-ce qu’il y a des choses qui te plaisent par ici ? J’aime beaucoup
Beat X Changers. Je trouve qu’ils font des choses très inspirées, très originales. Je crois qu’ils ont un gros passif hip-hop, ça se sent beaucoup.
VERTV aussi, le label de
Neue Grafik, c’est un peu le même crew d’ailleurs. Sinon en crew parisiens… Il y a les crews comme La Mamie’s desquels on est assez proches, ou bien Cracki, même si musicalement c’est beaucoup plus ouvert. Il y a Latency également qui sortent de la super musique.
Pour finir, des choses en particulier à annoncer pour D.Ko ?On a toujours pas mal de disques dans le four. On sort le D.Ko09 dans un mois. Puis un EP de Mézigue à sortir, qui va tout niquer… Après le D.KO11 sera une compilation avec Janeret, qui est également un producteur de la scène parisienne que j’aime beaucoup. Et d’autres choses mais qui ne sont pas fixées… On essaie d’accélérer la cadence de sortie – on aimerait bien sortir un disque par mois. Sinon on a des teufs aussi ! En mai il y aura une soirée à la Machine, avec Lawrence, Benjamin Brunn et Patrice Scott.
It's Just A Phase I'm Going Through de Flabaire vient de sortir chez D.Ko / Phunk. Plus d'infos sur le crew D.Ko
ici.
D.KOLP01 - Flabaire - It's Just A Silly Phase I'm Going Through