Keita Sano "Some Jazz" (Unfulfillment)

Dans le podcast épais qu'il offrait récemment à Resident Advisor, Keita Sano mixait exclusivement des morceaux de sa fabrication. On a failli y voir la preuve d'un esprit nombriliste en action, mais on se trompait : le poupon techno d'Okayama y démontrait simplement l'étendue de son eclectisme et la largeur de son champ de vision, qui va de la jackin' techno brutale aux grands déploiements oniriques façon vapor truc. Son nouveau maxi sur Unfulfillment s'appelle High et se pare d'un macaron en noir et blanc pour annoncer la (non) couleur: trois tracks de techno monochrome et doucement psychédélique, dont l'esprit zone entre L.I.E.S. et un vieux Jeff Mills. C'est trop bien.

Call Super "Nervous Sex Traffic" (Dekmantel)

Chaque nouveau disque de Call Super voit Joseph Richmond-Seaton s'approcher un peu plus près du mystère magique de la musique de Jon Hassell. Privé de la trompette du maître mais le bide rempli de house et de congas, "Nervous Sex Traffic" est une odyssée étrange dans le "Quatrième Monde" (créé par Hassell et Eno à l'orée des 80's et de l'invention du cauchemar de la world music) qui doit faire des choses tranges aux danseurs imbibés quand le DJ habillé aux couleurs de la Jamaïque le balance accompagné de bruits d'oiseau le samedi soir.

Interstellar Funk & Jeroen "Prototype" (Rush Hour)

Tant qu'il y aura des Hollandais pour faire de la techno de Detroit, la mondialisation ne sera pas qu'un Enfer de transferts de capitaux, de concentration des richesses et d'asservissement global des classes populaires. On ne répond rien du jour où le phénomène s'arrête en revanche... 

A Made Up Sound "Thin Air" (Delsin)

Parce qu'il n'y a rien de tel qu'un bon bol d'air raréfié pour accélérer les effets d'un stupéfiant ou de l'excitation sexuelle.

Ross From Friends "Talk To Me You'll Understand" (Lobster Theremin)

Ne vous fiez pas au blaze de l'artiste tout juste bon à nourir un thread sur reddit ni à la présentation du maxi par Lobster Theremin avec l'expression "reebook drums" dedans (wtf?); "Talk To me You'll Understand" est un diamant brut de pomo house hantée dont les échantillons de voix et de guitare hair metal tordent le coeur plus qu'ils ne tirent sur la corde ironique. En d'autres termes, Burial lui-même pourrait nous pondre un truc du genre s'il se mettait à écouter en boucle Todd Terry.




NHK'Koyxen "925_2" (L.I.E.S.)

Retour de l'aventurier noise Kouhei Matsunaga en territoires dance et atterissage logique chez L.I.E.S.: un poil moins peintre cubiste que dans sa série Dance Classics sur Pan, le Japonais se fond plus ou moins dans le paysage avec un superbe exercice d'acid trance à minima, hypnotique à souhait, résolument dénuée d'ironie ou d'une quelconque arrière-pensée. Encore un effort et c'est l'intronisation au sérail très fermé des Pères fondateurs, Matsunaga San.

Adil Hiani feat. Adam Hadni "La Rencontre (RADIQ's Jam Remix)" (Cosmo Records)

On est pas bien, là, dans ce Tokyo-Marrakech, le cul bien calé dans le gros fauteuil en cuir blanc à siroter un Old Fashioned relevé à la cannelle en feuilletant le dernier Jonathan Franzen? Sérieux, le premier qui me parle Nuit Debout ou chemtrails va tâter de mes chaussons suédois en peau de mouton retournée pure laine et semelle ref "Le Navajo"©.

Dukwa "Sixty Five" (Don't Be Afraid)

Je ne sais pas si des pérégrinations vacancières ou un cursus universaire vous ont déjà mené jusqu'à Florence, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'entre les merveilles architecturales du Quattrocento et les rues pleines de commerces de luxe, le coeur authentique de la ville n'est pas aisé à dénicher. Marco D’Aquino AKA Dukwa fait partie des quelques têtes brûlées qui nous prouvent que ce coeur existe, qu'il bat très fort et que la Toscane n'a rien à envier, rayon innovations techno, à Rome ou Milan. Le morceau ci-dessous est extrait d'une mini compilation avec le neo-junglist Raven Kru et Karen Gwyer.

Alex Smoke "Dire Need (Tale of Us Remix)" (R&S)

Je crois qu'on peut s'arrêter au fait que j'ai trouvé ce morceau sur une chaîne YouTube qui s'appelle "Melodic techno is what you need".

Etch "Untitled Hardcore #4" (Sneaker Social Club)

Untitled Hardcore, c'est le revivalisme contemporain dans sa plus pure expression : une galerie de vestiges sonores (breakbeats, stabs, subs) très précisément présentés comme appartenant à un genre décédé (l'âge d'or breakbeat hardcore juste avant la jungle) et provenant d'un autre temps (la première moitié des années 90) pourtant amalgamés ensemble en un prototype absolument absolument impossible à confondre avec les oeuvres du passés dont il s'inspire et qu'il a l'air de vouloir imiter. Aucune idée de si le paradoxe est dû à une volonté de mise-à-jour ou une incapacité du gamin Etch à nous pondre une copie-conforme et c'est tant mieux, puisque ça nous évite de sortir le carton rouge.