On ne s'est pas précipités plus avant sur le Deerhoof nouveau pour la pire des raisons: l'habitude.
Il faut dire que la bande à Greg Saunier et Satomi Matsuzaki vivote selon un habitus de carrière tellement régulier et dialectique que l'excitation indécente qui nous prenait au corps à l'annonce de la moindre nouvelle la concernant à la grande époque de Reveille, Milkman ou The Runners Four a fait place depuis deux, trois disques à une petite joie molle, passive, bonhomme, limite satisfaite de son indolence. En gros à chaque fois qu'un nouveau Deerhoof est annoncé débarquer, on sait qu'il prendra le contrepied du précédent, qu'il sera très bien mais pas à la hauteur des disques de la grande époque sus-citée et qu'au cas éventuel où il nous décevrait (avouons-le, le dernier Vs. Evil avait un petit goût de déjà-entendu-en-moins-bien) on pourra toujours se rattraper sur le prochain.
Mais là, on s'est un peu planté. Parce que sous ses dehors de paillardise pop pour chiard diabétique, Breakup Songs est le Deerhoof le plus extrême et le plus jusqu'auboutiste depuis super longtemps. Immense tourbillon de sons aux origines innombrables et formidablement incohérentes (mambo, bruit dur, nappes de makina), cet album expressément bref n'intègre la pop que comme un vestige parmi tant d'autres, et ne laisse jamais aucune idée, riff ou assaut de bouzouki saturé, s'exprimer plus de une ou deux fois à la suite. Résultat des courses, ça avance à toute vitesse, ça cherche le crash à tout prix et ça a beau s'habiller en rose pour faire bonne figure, c'est à peu près aussi traître et tordu que l'album de Fantômas en hommage à Chuck Jones et Tex Avery. La seule différence avec les hybrides noise des débuts ou les moments de violence élégiaques du milieu tient à la technique employée pour foutre le dawa, en l'occurence le collage extensif et intensif de matières plastiques dans protools plutôt que les guitares cognées les unes contre les autres dans la cave. Le mignon "Fete d'Adieu", qu'on a le droit de vous faire écouter, est évidemment un contre-exemple flagrant à l'argumentaire que je viens de boucler mais vous pouvez me croire sur parole, c'est l'exception qui confirme la règle.
Ah oui, il y a un concept qui court sous le boucan et qu'on espère fictionnel, puisque l'album s'appelle Breakup Song (au singulier) et que depuis que les 4 membres du groupes ont quitté la Bay Area pour quatre coins différents du globe, on tremble effectivement d'entendre l'annonce de leur split. Apparemment, ça n'est toujours pas vraiment à l'ordre du jour.
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