C'est la deuxième fois que Quentin "Zaltan" Vandewalle nous fait le coup: compiler / mixer / enchaîner au débotté et sur cassette limitée quelques unes de ses trouvailles et armes secrètes de soirée, toutes piochées dans les bacs variet' boogie funk / bide et musique de ses disquaires de brocante préférés.
La première fois, ça s'appelait Quartier Chic et ça nous plaisait beaucoup parce que l'air de rien, ça glissait en douce du Alain Chamfort et du Hugues Hamilton dans les oreilles des branchés; la nouvelle, qui vient de sortir aux toutes nouvelles Editions Gravats de Low Jack et Jean Carval s'appelle Quartier Choc en hommage probable à la plus célèbre campagne de com' de la RATP, et si on ne vous dira rien de trop précis sur le tracklisting (Quentin nous a autorisé à demi-mots à embedder les quelques liens Youtube ci-dessous), on ne peut que sauter au plafond de bonheur de voir les Charlots (oui, les Charlots) dans une sortie estampillée par Boomkat de "strong look for the disco connoisseurs!".
A l'heure où le boogie français et la variet' disco interessent de plus en plus sérieusement les mélomanes et les labels de réédition (on vous renvoie bien sûr au Disco Sympathie de Vidal Benjamin, qu'on interviewait en détails la semaine passée), le boss d'Antinote nous parle snobisme, "boogie cé-fran" et légèreté.
Comment présenterais-tu à un néophyte l'underground funk français qu'on peut écouter dans Quartier Chic et Quartier Choc?
Je ne sais pas si on peut parler d’underground. A mon avis ce qu’il s’est passé en France comme partout c’est que de plus en plus de minettes ou de types moyens ont eu accès à des studios et ont eu une occasion de produire un single. Je pense qu’il y a une revendication underground chez certains groupe qui se retrouvait dans la tendance Punk ou alternative en générale mais c’est une minorité quand je regarde l’ensemble de ma collection de Funk français ainsi que la sélection des deux compilations cassette. J’ai l’impresion que c’est plus des gens qui déconnent. Underground me parait être un terme trop lourd à porter. J’opterais plus pour le terme ‘Branché’. Même si je n’ai pas (encore) théorisé ce mouvement, j’ai l’impression que tous ces 45 tours, plus crétins les uns que les autres, n’auraient pas existé sans l’apparition de la FM, des radios libre et du top 50. Je suis sûr qu’on a tous dans notre entourage quelqu’un qui a secrètement sorti un single dans les 80’s. Tout le monde a tenté sa chance. Aujourd’hui, tout le monde veut être connu ou être un artiste. Chacun fait un truc pour se faire remarquer. Et bien, pour moi tous ces petits projets foireux annoncent cette facette de notre génération. Mes 45 tours de Boogie cé-fran, c’est un peu du proto-starac.
Ma mère raconte souvent que la programmatrice musicale de RTL avait tous les matins une énorme pile de 45 tours promo sur le bureau. Elle ne les écoutait pas tous bien sûr. Ses choix dépendaient de son humeur aussi, personne n’est un robot à bon goût. Un jour elle est tombée sur ‘Joe le Taxi’ d’une minette qui s’appelait Vanessa Paradis. Tu connais la suite. Ça aurait pu tomber sur quelqu’un d’autre en fait.
Comment tu expliques ton attrait pour cette musique? A ton avis, est-ce que ça pourrait être lié à la nostalgie? A des choses liées à ton enfance?
Je suis né en 1985 donc je matais le top 50, je suis un enfant de la FM. En plus mes parents bossaient dans une petite radio locale donc autant dire que des singles 80’s je m’en suis cognés. J’adore ça. Dès que mon père à un coup dans le nez il joue un gros funky d’Alain Chamfort ou "Quel souci la Boétie" de Claudia Phillips. Donc la nostalgie, oui mais c’est surtout complètement culturel. J’ai ensuite approfondi le sujet et mes goûts se sont affinés au fil des trouvailles.
Quand est-ce que tu as commencé à collectionner ces disques?
Avant d’y avoir un réel accès je fantasmais à fond la House, l’Electro, je savais que c’était ça que je voulais écouter mais je ne savais pas où chercher, je n’en avais peut être jamais entendu. J’étais enfant ou pré-ado. Dans ma quête à la musique de danse répétitive, j’ai trouvé dans la collection de mes parents des trucs comme les Rita Mitsouko époque "Le petit train" ou Claudia Phillips. Je pense que je garde un attrait pour les conneries Françaises parce que c’est un peu par-là que j’ai commencé.
Peux-tu nous parler précisément de ces deux "axes" que tu déchiffres dans la production pléthorique de "funk français" de l'époque?
Pour moi il n’y a pas un underground homogène. Il y a plusieurs ramifications. Il y a le Funky bien lourd, celui qui frime, qui claque, celui de JM Black par exemple qui se targue d’être mixé à NYC (superbe pochette à checker absolument). Il y a un côté caillera là-dedans. Et puis il a la petite pouf ché-bran du Palace qui veut son single et passer au Top 50, celui de Lio ou de Agathe. Par-dessus le marché il y avait un Funky français mainstream, je parlais d’Alain Chamfort, il y avait Charlelie Couture, Françoise Hardy pourquoi pas, Et puis Gainsbourg bien sur, Michel Jonasz… en fait la funky était partout. 35 ans après il faut juste trouver chaussure à son pied et s’approprier tout ça.
Derrière ces productions, il y a donc des producteurs. Peux-tu me parler de ceux que tu connais ou reconnais?
Oui, mais ça va contredire ce que je viens de dire. François Feldman par exemple à produit beaucoup de Early Rap et de Smurf. Micky Milan pourrais être associé à Feldman pour ces trucs Boogie un peu loulou, mais quand tu regardes de plus prêt il a produit plein de truc gay à côté. Alain Goldstein pour Bombe Anatomique, Philippe Chany et Fred Versailles, Michel Esteban de Ze records est bien sûr hyper important, Patrick Vidal, Didier Makaga, qui a d’ailleurs bossé avec Michel Gondry sur un truc de Smurf super bien, Philippe Bourgoin, Agathe… Y'en a plein.
Dans une interview qu'il a donnée à Gonzai, notre confrère Etienne Menu déplore le manque d'intérêt et de connaissance des Français pour la musique produite en France, notamment les trucs variété oubliées et les musiques dites "mineurs" et "usuelles" type disco tardif, boogie, etc. Tu es d'accord avec ça? Tu est pour la réhabilitation de ce patrimoine méconnu?
Etienne est un snob. Je suis peut être pire que lui donc on est mal barrés. Je vois l’engouement pour ce revival 80’s décadent et crétin et je trouve ça parfait. Je ne pense pas qu’il y ait un manque d’intérêt, je pense qu'il n'y pas eu d’intérêt jusqu’à présent. Mais est-ce que ça nous manquait réellement ? Pas à moi, ça m’a permis de chiner sans pression. Pour la réhabilitation ? Oui, si on peut me passer du Boogie cé-fran bien obscure au Franprix en bas de chez moi cela me convient tout à fait.
Militantisme je ne crois pas. Je fais ça pour le fun. Avec Vidal Benjamin, nous avons passé beaucoup de temps à chiner ces 'petites conneries'. Lui appelle un bon disque de funky français ‘une Sympathie’. Moi, je vais plutôt juger un disque sur son niveau de crétinerie. Ça vide la tête, tu peux danser, tu as une bonne montée d’adrénaline quand tu trouves un truc rare, c’est juste un hobby. Cette musique est légère, alors je pense qu’en tant que digger, compileur, DJ ou simple kiffeur, Il faut prendre ça à la légère.
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