"Après le croûtage en règle (et attendu) de la chillwave et la mise en orbite de son meilleur ennemi Toro Y Moi, Ernest Greene revient avec une nouvelle collection de morceaux embeddés sous l'étiquette de "visual album" (comme les sorties récentes de Frank Ocean, Beyoncé ou Jay-Z). Le résultat est un assemblage fadasse de riffs piqués dans la house filtrée française, d'ambiances sonores lounges et de réminiscences trip hop (plus Morcheeba qu'autre chose, si vous voulez mon avis). Les visuels, eux, ressemblent surtout à une bonne façon de meubler le discours d'un musicien en perte totale d'inspiration, lesquels, comme le signalait le NY Times il y a quelques jours, "ne nous apprennent pas grand chose". Il aurait peut-être été plus sage de passer moins de temps sur Pinterest et un peu plus à écrire des morceaux avec un peu plus de personnalité et un peu moins d'aspartame."
Adrien Durand
"Sur la pochette du dernier Washed Out, il y a une pilule de Xanax, mais ça pourrait tout aussi bien être un Efferalgan ou un Donormyl, tant Mister Mellow me fait l’effet d’un placebo en même temps qu’il me donne envie de me recoucher, là, tout de suite - et tant pis s'il est midi. Mais ce n’est pas tellement la musique en soi, sorte d’Avalanches du pauvre (si les Australiens poussent l'art plunderphonics jusqu'au vertige, Washed Out le traine lui péniblement jusqu’au dodo), rangée des voitures chillwave (Ernest Greene a été l'un des instigateurs de ce genre mort-né en 2009), et ramenée ici aux canons soul craquelée de la maison Stones Throw Records (nouvelle signature du monsieur), qui me dérange tant. Non, toute mon irritation repose presqu'entièrement sur la voix d’Ernest Greene, qui semble mettre un point d'honneur à vouloir empêcher ses (quelques) bonnes idées d'exploser. Sur "Hard to Say Goodbye", il pourrait presque se passer quelque chose (si, si), mais la boucle de disco triste et la griserie en mouvement sont vite plaquées face contre terre par la voix filtrée jusqu'à plus soif de Greene, laquelle est sans doute la chose la plus peine-à-jouir que j'ai entendue depuis l'annonce du projet de loi sur la moralisation de la vie publique par un type par ailleurs loin d'être blanc comme neige. Cet album est pour moi un cauchemar de rétro-bon-goût tiède et sans saveur, un disque qui me donne envie de vomir des nuages à la lavande et des filtres Instagram au caramel, puis de prendre une machine à remonter le temps jusqu'en 2009, pour étouffer un à un chaque représentant de la chillwave dans son kale et ses atermoiements choupinets de petit banlieusard indie huppé."
Marc-Aurèle Baly
"Mister Mellow n'est pas l'album de l'année, sûrement pas l'album du mois, sans doute pas même l'album de la semaine ou de la demi-journée, mais l'ensemble a un petit côté Mild High Club sous (moitié) d'ecsta pas désagréable, bien que totalement oubliable. On est d'accord, mettre des filtres disco-house sur des mélodies psych-pop californiennes ne constitue ni un plan de carrière viable ni une ambition artistique très défendable, mais ça devrait valoir à son auteur, le par ailleurs très sympathique Ernest Greene, une ou deux synchros pub pour des marques de chemise équitable, lui permettre de voir venir et de nous gratifier d'encore quelques sorties pas très bien mais pas tout à fait dégueulasses non plus. Tant mieux pour lui, et il n'est même pas exclu que quand j'entendrai ce disque dans une friperie du 2ème arrondissement, je me dise qu'en fait il n'était pas si mauvais que ça - si je me rappelle à ce moment-là l'avoir déjà écouté."
Arthur Cemeli
Le nouvel album "visuel" de Washed Out, Mister Mellow, est sorti vendredi sur Stones Throw Records. Il est en écoute intégrale ci-dessous d'une traite en vidéo :
Crédit photo : Alexandra Gavillet