On vous en parlait rapidement lundi : la vénérable maison Stones Throw vient de fêter ses 20 ans et le patron s'est fendu d'un mix d'anniversaire avec deux ou trois inédits pour les énervés. On profite aujourd'hui de l'occasion pour revenir sur l'histoire du label de Peanut Butter Wolf.

Chris Manak alias Peanut Butter Wolf, un jeune DJ blanc de San Jose né en 1970, crée Stones Throw dans sa chambre en 1996 pour y sortir des morceaux enregistrés quelques années plus tôt avec le MC Charizma, assassiné en 1993. Après une série de maxis, dont "My World Premiere" issu de cette collaboration (l'album Big Shots ne sortira finalement qu'en 2003), et les albums (dispensables) du DJ Rob Swift et du rappeur Rasco, Peanut Butter Wolf entame une collaboration au long cours avec Madlib qui fait son entrée au catalogue avec le premier maxi, puis l'album, de son groupe Lootpack.

Dès lors, l'ultra productif rappeur/beatmaker se lance dans une série de projets qui permettront au label de passer le cap du millénaire et de s'installer dans la durée. Après Lootpack, il présente au monde son alter ego experimental Quasimoto (The Unseen, 2000) et son faux groupe de jazz, le Yesterday's New Quintet (Angles Without Edges, 2001), produit les disques de Dudley Perkins ou Wildchild pour le compte du label puis s'associe à deux légendes vivantes du rap underground, Jay Dee et MF Doom, pour deux albums qui resteront parmi les sorties les plus emblématiques (et les plus rentables) du catalogue (Champion Sound en 2003 et Madvillainy en 2004).





Pendant plus de dix ans, et à l'exception du Donuts de J Dilla (qui sort 3 jours avant la mort de celui-ci, en 2006) et des albums de James Pants ou Mayer Hawthorne qui élargissent le spectre, le label dépend ainsi quasiment exclusivement de Madlib, de sa prolixité hors du commun, de son carnet d'adresses et de son succès grandissant. Au top de sa productivité, Madlib enregistre presque en continu dans une maison dans les collines de L.A. qu'il partage avec Peanut Butter Wolf, Egon - alors general manager du label - et le directeur artistique Jeff Jank.

Il faudra attendre 2010 et le succès mondial du single d'Aloe Blacc, "I Need A Dollar", écoulé à plus d'un million d'exemplaires pour que Stones Throw souffle un peu et commence à entrevoir l'avenir sans Madlib, qui prend d'ailleurs ses distances avec Wolf au profit d'Egon, label manager mis au ban qui l'aide à transformer sa structure de production Madlib Invazion en véritable label. Via cette structure, Madlib et Egon éditent des mixtapes, compilations et maxis qui s'écoulent en quelques heures via la plateforme Rappcats et en magasins et font un gros coup : un album avec le rappeur de l'Indiana Freddie Gibbs en 2014, vendu à plus de 30 000 exemplaires et salué internationalement.





Depuis, Stones Throw est presque devenu un label comme les autres, avec quelques coups d'épée dans l'eau (les promesses non tenues par les outsiders Vex Ruffin ou Pyramid Vritra), de belles surprises (le solide album de Quakers - projet rap de Geoff Barrow de Portishead -, l'étonnant premier album des funky Stepkids, les tapes de Jonwayne ou l'EP d'Anika), de nouveaux fidèles qui font le taf sans exciter grand monde (le rappeur très scolaire Homeboy Sandman, les soulmen Myron & E), des sorties gold pour entretenir le patrimoine (Egyptian Lover, Arabian Prince) et une nouvelle tête de gondole, Dam Funk, qui gagne en réputation et en influence à chaque sortie.

Depuis 2013, Stones Throw héberge et distribue le passionnant Leaving Records, laboratoire dirigé par le hippie Matthewdavid qui édite cassettes et disques de héraults expérimentaux (Laraaji, M. Geddes Gengras, High Wolf, Deantoni Parks) et dans lequel Peanut Butter Wolf pioche épisodiquement (il a sorti sur Stones Throw les dernières productions des fringants beatmakers Mndsgn et Samiyam qui ne font absolument pas tâche dans le catalogue).





En 2016, c'est un disciple de Mac Demarco, le slacker Alex Brettin alias Mild High Club, et un pur produit de la beat scene de Los Angeles - Knxlwledge, via sa collaboration premium avec la nouvelle superstar Anderson .Paak (sous le nom de Nx Worries) -  qui font tourner la baraque pendant que la patron fait des DJ sets aux quatre coins du monde, réalise ses rêves (sortir des disques d'Egyptian Lover, inviter Common à sa fête d'anniversaire) et se paie l'un des espoirs de la nouvelle soul, le brillant Gabriel Garzon-Montano, qui pourrait bien à lui seul payer la retraite du patron.