"Il y a des artistes sur lesquels on a plus envie d'écrire que d'écouter la musique. Young Thug, en ce qui me concerne, rentrait jusqu'ici parfaitement dans cette catégorie. Mais cette fois, avec son "album chanté", il faut que je me rende à l'évidence : je ne sais absolument plus quoi faire de ce mec. Pire, je pense que je serai désormais incapable de parler de musique lorsqu'on m'évoquera le cas Thugger. Incapable de savoir ce qu'il apporte ou aura apporté "au rap game", incapable d'émettre la moindre opinion quant au fait de savoir si, effectivement, "Tupac n'aurait pas porté de robe, lui," incapable de savoir pourquoi j'ai plus envie d'écouter à l'instant présent n'importe quelle mixtape pétée de Future que "Relationship", incapable aussi de savoir si je ne commence tout simplement pas à devenir vieux et usé. Désormais, il n'y a absolument plus rien qui ne me rebute, ne m'agace, ne m'excite dans la musique de Young Thug. Je crois même que c'est la seule musique au monde, là tout de suite, qui me rende totalement démissionnaire. Je n'arrive même pas à savoir si c'est grave."
Marc-Aurèle Baly
"En général, j'ai une affection toute particulière pour les projets mal fagotés qui sonnent comme une mauvaise idée survenue sous substances et qui donnent l'impression à son auteur que c'en est une bonne. Ça peut être tourner un remake plan par plan de Psychose d'Hitchcock ou laisser Lil Yachty penser que le violoncelle est un instrument à vent. Beautiful Thugger Girls ressemble un peu à ça : un truc casse gueule qu'on laisse passer à Young Thug parce qu'il est un peu trop big (et high) pour que quiconque ose lui dire non. Au final, son album chanté sonne exactement comme le juste milieu entre Wyclef Jean et Grizzly Bear produit par The-Dream. On ne va pas s'embêter à parler de bon ou mauvais goût ici. Un peu comme la garde robe de Thugger, c'est n'importe quoi et ça ressemble à ce que pourrait vomir un perroquet qui aurait consommé trop de curaçao. Mais étonnamment ça marche (pour peu que mettre des débardeurs et manger de la pizza hawaïenne ne vous effraie pas trop). Et je l'ai écouté au moins dix fois ce week-end."
Adrien Durand
"J'ai déjà trouvé mon album de country favori de 2017. Il a été co-produit par Drake, composé par London On Da Track, et conçu, imaginé et chanté par la seule personne au monde capable d'orchestrer un tel bordel : Young Thug. J'entends bien, Beautiful Thugger Girls n'est pas un disque country au sens traditionnel du terme - en dehors de mon morceau préféré du disque, "Family Don't Matter" qui coche quasi toutes les cases - mais j'y vois assez de marqueurs du genre, de l'accent sudiste trop prononcé à la ballade d'amour langoureuse pour sa douce, des thèmes abordées (famille, relation, trahison, filles faciles) à la couverture guitare folk en bandoulière pour le faire rentrer dans la grande famille qui relie Willie Nelson à Taylor Swift et Gram Parsons à Vince Gill (4 artistes que j'aime bien à différents degrés et pour différentes raisons). Alors est-ce un bon album ? Plutôt, mais avec une réserve : je regrette pas mal que Jeffery n'ait pas été au bout de son idée et qu'il ait fait des concessions en invitant Lil Durk, Snoop et Future et en n'obligeant pas London on Da Track à remplacer les beats de 808 de chaque morceau par des suites d'accords jouées en finger-picking, quitte à réserver les hululements streets sur prods minimales pour Slime Season 4. Partie remise pour le prochain."
Arthur Cemeli