Si on se fait traiter de "journalistes putaclics" par nos gentils lecteurs de temps à autres, la face noire de la linguistique péripatéticienne réside sûrement davantage dans les mails promos que l'on reçoit en nombre chaque jour que Dieu fait. La preuve avec ce mail titré : "Pamplemousse 1er album : Unsane vs RL Burnside vs George Michael" que j'ai décidé d'ouvrir (je vous rassure j'ouvre 92,8% des mails promos qui arrivent jusqu'à moi). À l'arrivée, j'ai découvert un album posté il y a quelques mois sur Bandcamp "influencé par la scène Dischord/Aphetamine Reptile" (on sait me parler) avec un clip "idéal pour les footeux" (là on a falli me perdre) enregistré par un groupe basé à Saint-Denis (à la Réunion).
Résultat après écoute : pas vraiment de Unsane et encore moins de George Michael mais un disque de rock 90's (quelle surprise) de très bonne facture qui sonne plutôt comme le disque que Wavves aurait dû enregistrer si son leader avait refusé de draguer le public de Blink 182.
Quand j'ai demandé au groupe si ce sempiternel retour au son des 90's n'avait pas atteint ses limites, il m'a adressé, ô surprise, la seule réponse intelligente reçue depuis des lustres :
"Pour nous, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, ni de 'c’était mieux avant'. Cette période est juste si logique et cohérente qu’elle vit toujours : malgré les évolutions technologiques, plus lisses et affinées, qui font croire à une perfection auditive, ce qui fait vibrer les gens, c’est qu’on leur secoue les émotions."
Ce premier album a plus d'une qualité, un son très live et maîtrisé qui va chercher la personnalité de sa production dans les déraillements de cordes de guitare et les imperfections de voix qui se décrochent, un peu à la manière d'un Mudhoney biberonné à la guitare de Lou Barlow.
"Il se trouve qu'on répète dans un petit studio d’enregistrement, et on a passé des heures et des mois à jouer dans cette pièce pour trouver notre son, créer notre musique. Au bout de 10 mois on a eu envie de faire notre album et il nous a paru évident qu’il devait être enregistré dans cet endroit, là ou nous étions à l’aise. Alors on a placé des micros sur les amplis et la batterie, et on a tout enregistré live."
Ca paraît bête hein ? Et pourtant c'est sûrement ce qui explique qu'on préfère en 2017 se refaire la discographie de Royal Trux plutôt que se pencher sur les délires glam de Ty Segall ou l'infernal retour des non moins infernaux Black Lips. Et venir de la Réunion, ça change quoi ?
"Chacun de nous trois a quitté l’île quelques années, avant que l’on se trouve, et les expériences personnelles très différentes qu’on a traversées se réunissent dans des valeurs communes. Mais on est beaucoup plus inspirés par ce qu’il y a à l’intérieur de nous, que par la carte postale typique de notre île tropicale. Ce qui est compliqué c’est l’organisation de tournées hors de notre département !"
Groupe sans label, sans attaché de presse, avec juste un pote qui envoie des mails "putaclic" (mais oui ça marche!), Pamplemousse (ce nom) devrait pourtant faire son chemin jusqu'aux oreilles des petits et des grands à vestes en jeans et totes bags Burger Records.
"Les démarches, l’organisation de la sortie, la communication de cet album, ne correspondent sûrement pas aux critères de l’industrie musicale actuelle, mais plusieurs de nos courriers ont obtenu des réponses, enthousiastes, et le bouche à oreille fait son chemin, pour l’instant. C’est plutôt agréable de se laisser la liberté d’envoyer notre album à qui on veut, et de s’apercevoir qu’il voyage déjà."
Prends ça dans les dents podium Ricard.
L'album de Pamplemousse est sorti en mars en version digitale et est disponible en version compact disc depuis le 8 mai 2017 ICI.
On termine par 3 morceaux choisis par Pamplemousse :
"Preaching The Blues" de The Gun Club, chanson avec laquelle tout a commencé.
"Death" de Vietcong qui nous a fait bloquer des heures.
"Forced to feel" de Make-Overs, groupe Sud-Africain, monstrueux sur scène et qui partage complètement notre conception de la musique.