Comme pour les films de Bruno Dumont ou les romans de Simenon, il est pratiquement impossible d'évoquer la musique de Scorpion Violente sans tomber dans les poncifs métaphoriques sociologico-géographico-centrés. Notre confrère Lelo Batista parle "d'horreur social" et de "synth-punk rural", cet article de fan évoque l'odeur "du vomi de houblon", notre propre collaborateur Guillaume Loiret (qui a l'air de savoir de quoi il parle) invoque l'adjectif "dégénéré" et "les longues soirées d'hiver dans la banlieue de Metz". Se pourrait-il alors qu'à l'instar des films de Pagnol, la musique du duo Messino-Strasbourgeois ne s'apprécie que comme une curiosité locale, un concentré de sensations fortes folkloriques à réduire en poudre et sniffer entre deux coupes de champagne?
La vérité est ailleurs. La musique électronique brute et brutale de Scorpion Violente use, comme celle de Throbbing Gristle ou Whitehouse avant eux, de trois substances universelle: l'onde sinusoïdale pure, le bruit dur, et les particules de poussière qui vivent dans les échos crados des multi-effets très fatigués. Les fantômes qui hantent leur univers sont typiques mais leurs références oniriques tombent tout droit de vieilles VHS remplies d'images américaines. Sur The Rapist, on entend de nouveau les b.o. autogérées de Carpenter, Suicide et d'autres machins de l'early punk américain (c'est moi ou le gimmick de voix de "Strychnine" ressemble à celui du "Roadrunner" des Modern Lovers?). Pour la première fois, tous les titres sont en Anglais. La seule chose qui évoque vraiment la diagonale du vide, en fait, c'est le camion-citerne de mélancolie arrimé à la violence et aux patterns de la boîte à rythmes, et à la rigueur le gros grain de la photo sur la pochette, capturée en direct sur une redif' de Derrick sur la téloche de Mamie un mardi après-midi.
Une semaine après JC Satàn, on court le risque d'être taxés de favoritisme mais on s'en fiche: Teenage Menopause sort coup sur coup deux des plus beaux disques enregistrés en France cette année et celui-ci n'est pas le moins bon des deux.
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