Pour la première (et sans doute la dernière) fois dans l'existence de The Drone, voici un article intégralement composé d'un copier-coller des bonnes feuilles d'une bio officielle - vous savez, ces textes plus ou moins expérimentaux, plus ou moins foireux et souvent beaucoup trop longs qu'on trouve dans les packs promotionnels qui accompagnent les disques à sortir?
Pas que le temps ni les idées me manquent, mais il se trouve que du fait d'un accident astral très rare, la-dite bio, proposée avec amour et intelligence par Born Bad, a été rédigée par un certain Olivier Lamm et que pour la première fois de ma carrière, je me retrouve totalement dans tout ce qu'elle propose, des mots pédants aux amorces de théories fumeuses, en passant par la tendance un peu facheuse à la dythirambe. Voilà. Elle arbore aussi un titre que je trouve très beau, inspiré par un livre que j'ai lu; je ne vois donc objectivement pas ce que je pourrais y rajouter.
"Que fait la pop aujourd’hui? Elle nous remplit la tête, elle nous élève. Elle invente chichement, elle pille un peu, elle recopie pas mal. Elle nous accompagne encore, elle nous martyrise parfois. Elle nous dégoûte et elle nous rabaisse, aussi, souvent. Mais une chose qu’elle ne fait plus que très, très ponctuellement, c’est nous faire rêver, les yeux ouverts ou fermés. Le psychédélisme est au point mort, l’ecstasy ne fait plus effet sur personne, les grands espaces sont quadrillés du Far West jusqu’au Soleil Levant, les grands mélodistes pissent dans des violoncelles parce que plus personne n’est là pour les écouter. Quant aux magiciens de la chanson, les enfants des George Martin, David Vorhaus, Syd Barrett ou Don Van Vliet qui nous commandaient autrefois dans nos songes en utilisant potions, grimoires et miroirs, ils ont pris le maquis: si la pop music de la plus belle race qui soit – l’ésotérique – se pratique encore, c’est dans des laboratoires cachés et des souterrains plus profondément enterrés encore que ceux du garage, du punk ou du metal noir.
Praticiens assidus de la part magique, cabalistique de la discipline pop depuis des années (on dirait des siècles), la société secrète Dorian Pimpernel ne semble oeuvrer que dans un but: remettre en marche la machine à songes et à extases. (...)
A la manière des grands livres mi-magiques, mi-littéraires de la Renaissance, mi-traités d’alchimie, mi-grimoires de poésie, Allombon fait un monde, si complexe et si cohérent que chaque chanson y est à la fois un fragment et un tout à déplier, à la fois autonome, potentiellement capable de nous le faire voir en entier et tragiquement lacunaire, poétiquement investi du sentiment d’être passé à côté des mondes qui se cachent à côté. Ensemble ou séparément, chacune des dix chansons méritera donc son exégèse, ses notes de bas de page, et toute votre attention.
Mais qu’on prévienne surtout l’auditeur qui se fiche des encyclopédies et préfère à visiter les labyrinthes sans plan: il a le droit strict d’avancer à l’aveugle, de se laisser intoxiquer les yeux fermés. Et si ce qu’il trouvera sur sa route est dense, non-linéaire, feuilleté, ce qu’il entendra en premier est surtout, mélodieux, merveilleux. Si nos cinq freaks sont les praticiens ténébreux d’une doctrine secrète, ils croient surtout au pouvoir fabuleux de la grande mélodie pop; si leur art est ésotérique, c’est à la manière d’Alice au pays des merveilles, c’est-à-dire en douceur et en couleurs.
Inspirés en premier par la première vague de psychédélisme et les artefacts pensants de la pop savante des années 60 (Sgt Peppers, S.F. Sorrow des Pretty Things, An Electric Storm de White Noise, The United States of America de The United States of America), en deuxième par celle des années 70 (“construire des ponts entre Canterbury et Düsseldorf”, c’est-à-dire entre Kevin Ayers et Kraftwerk, est l’un de leurs projets avoués), en troisième par quelques grands noms plus ou moins connus de la musique d’illustration et de la musique de film de l’âge d’or des deux genres (Morricone, Basil Kirchin…), en quatrième enfin par les milliers d’instruments hantés (synthés rares ou très rares, vieilles guitares) qui peuplent leur studio en forme de cabinet de curiosités, les cinq de Dorian Pimpernel n’ont qu’un but avoué, faire naître des tornades pour nous emporter."
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