Mal à l'époque, mal au langage, mal à la France: Blackmail, c'est entendu, n'est pas le groupe le plus guilleret du moment. Autoproclamé chaînon manquant entre Bo Diddley et Underground Resistance, ce trio de trentenaires saoulés des guitares et des amplis trop lourds à porter assure un peu malgré lui la pole position de tous ces groupes garage qui ont subrepticement glissés des compils Nuggets au rééditions Minimal Wave.
En même temps, ne pas se tromper à leur sujet: malgré les gros mots, les kicks écrasés et les sons de synthé au bout du rouleau, il y a plus de pop que d'indus dans leurs chansons. C'est d'ailleurs ce qui les rend attachants. Entre le sérieux mortel de The KVB, le romantisme éreinté de Bashung et l'ironie géniale et compliquée de Scorpion Violente / Noir Boy George ou des indépassables Ich Bin, Blackmail ne choisit pas. Ce nouveau Dur au mal embrasse un titre en forme de porte de prison, un chant ponctuellement débauché et grimaçant et des accointances criardes avec Suicide (sur "Elle est cool" on est presque plus près du pakuri que de l'hommage) mais évoque plus une référence du légendaire Lithium (grand label français des années 90 qui publiaient les oeuvres de Dominique A, Diabologum, Mendelson ou Jérôme Minière) qu'une éruption de l'underground synth punk qui fait des ravages dans les caves de France en ce moment.
Ça a à n'en pas douter à voir avec les pédigrées des trois types derrière les machines de Blackmail: Stéphane Bodin est égalemement membre éminent de The Married Monk, grand groupe d'art rock français chantant en Anglais dont fait encore partie un certain Etienne Jaumet, et membre fondateur, avec l'autre François Marché, de Bosco et Prototypes. Sans avoir jamais l'air forcé, la débauche synthétique, chez Blackmail, émeut ainsi aussi parce qu'elle a des airs de dernière beuverie avant la fin du monde ou, pire, avant d'arrêter la musique après des années à avoir tout essayé.
Un seul espoir à l'horizon pour les trois de Blackmail, au finish: que "la nouvelle chanson française" reconnaisse enfin le groupe comme faisant partie des siens - ce qui serait d'autant plus légitime que sur Dur au mal, le trio fait pour la première fois l'effort chanter exclusivement en Français. On s'en fiche bien sûr pas mal de "la nouvelle chanson française" (à moins que l'on considère que les groupes reconnus par le collectif Chanson Française Dégénérée en fasse partie, mais on en doute) mais on est persuadés que ça ne lui ferait pas de mal d'inviter de temps en temps ce Comité Invisible de la chanson synthétique à ses sordides cérémonies.
Dur au mal sera dispo à l'achat incessamment sous peu, via Yuk-Fü Records, grouillez-vous de réserver votre copie.
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