Ça fait un bail qu'on tient le Chicagoan Jeremiah Jae pour le plus doué des fils illégitimes de J Dilla (qui débarquent par colonies entières dans nos feeds Soundcloud). Quand il a signé sur Warp - après un bref passage chez Flying Lotus qui a édité son dingo et brillant Rappayamatantra sur Brainfeeder - on était content pour lui mais, très égoïstement, on craignait que ce changement de statut ne mette un frein à sa productivité qui nous allait très bien.
Ça n'a pas raté : alors qu'il avait mis en ligne une bonne vingtaine d'albums, beat tapes et compilations entre 2008 et 2013, Jae a à peine sorti une petite mixtape et trois maxis radins (la série Dirty Collections) depuis qu'il a été drafté par le label anglais (qu'on accuse à demi-mot de faire de la rétention et donc de ne pas encore bien comprendre comment marche le rap aujourd'hui). Pis, la plupart des tapes de Jeremiah Jae a disparu de la page Bandcamp de son collectif Black Jungle Squad qui était un endroit rassurant où l'on aimait se rendre en fin de soirée quand le manque de rap ésotérique mal mixé, de collages bizarro et de samples de westerns spaghetti se faisait sentir.
Évidemment, dans le communiqué de presse de The Night Took Us In Like Family qui ne sort pas sur Warp mais sur le label Mello Music Group - repaire de résistants du rap indé basé en Arizona - on nous fait le coup du Madvillain de la nouvelle génération, sauf que le natif de Caroline du Nord L'Orange, qui fournit ici les beats onctueux, les samples early-jazz et les dialogues de films obscurs, n'est pas de la trempe de Madlib et que Jae arrive à peine à la cheville potelée de Doom (faut pas déconner).
Ce que Jeremiah Jae a de commun avec MF Doom, cela dit, c'est cette agaçante propension à appeler des copains pour produire ses disques alors qu'il est un meilleur producteur et beatmaker qu'eux. C'est agaçant mais ça permet toutefois à Jae de s'affirmer en tant que rappeur et de s'exfiltrer petit à petit du cercle des laptop MC's passés par une école d'art qui sous-mixent leur voix par timidité (un cap que pour le coup, Madlib n'a jamais réussi à passer, préférant se taire ou rapper sous hélium). Pour l'avoir vu seul sur scène, on vous garantit que le Young Black Preacher ne fait pas que marmonner dans un built-in mic et qu'il met à l'amende bien des rappeurs à la street-cred certifiée. La voix de Jeremiah Jae n'a peut-être jamais été autant mis en avant que sur "Taken By The Night", premier extrait impec de cet album qui devrait largement passer l'été, et qu'on écoute after the jump.
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