Qui aurait cru qu'on puisse un jour s'enthousiasmer pour un ghost writer d'A$AP Rocky et collaborateur de la dernière fashion week de New York? Le cas Dadras qui nous concerne aujourd'hui est d'autant plus saugrenu qu'il peut sembler de prime abord se situer un peu le cul entre deux chaises : ni beatmaker pur (le type est aussi batteur), ni adepte d'un seul genre (house expérimentale? collage hip-hop?), le New Yorkais, qui publie cette semaine son deuxième album en un an (6 mois après Rubaiyat I, déjà chez Human Pitch) semble bien décidé à ne pas vouloir affirmer ni à s'asseoir sur quoi que ce soit.
On est donc d'autant plus surpris de trouver d'office de l'intérêt à une musique dont les intentions ne sont pas immédiatement identifiables (parce qu'on est des grincheux et dès qu'on n'arrive pas à nominaliser dans la seconde, ça nous rend tout bougon). De plus, sa propension à user de différents artifices, lignes de fuite et débordements stylistiques (parfois dans le même morceau), fait qu'on a le sentiment de se trouver en face d'un type qui s'effacerait presque devant sa musique, un performer fantôme qui peinerait donc du même coup à incarner pleinement son œuvre en s'éparpillant.
Autre incongruité de notre part : y'a pas à dire, mais niveau production c'est du bon boulot, et peut-être que ça nous suffit. Non pas que l'on n'apprécie pas d'ordinaire le travail bien fait, le cœur à l'ouvrage ou le soin apporté aux détails et aux ornements, mais chez The Drone, on a quand même plutôt tendance à réléguer ces mêmes ornements justement au rang de décor, cadre essentiel au déploiement d'une idée mais cadre avant tout (c'est comme quand certains mettent en avant la sincérité d'un artiste pour faire office de cache-misère et ne pas avouer qu'ils n'ont rien à en dire - ça peut avoir son importance, mais c'est souvent secondaire). En fait, ce qui nous chiffonne un peu (mais qui est justement singulier) chez Dadras, c'est que l'emballage, ou en tout cas le contenant plutôt que le contenu, passe pour ainsi dire au premier plan, qu'il fait un peu les choses un peu à l'envers et qu'on est donc obligé de mettre en avant le fait que oui, c'est bien produit.
Exemple : des trois morceaux présentés aujourd'hui, "Earth Don't Stop Here", en écoute en exclu, est celui qui accroche le plus durablement l'oreille. Mais des claquements de doigts aux bruits concrets disséminés ça et là, des trucs et astuces enfouis dans le mix ou des samples de voix cutées et pleines de réverb', on ne retient à vrai dire que les détails. Le morceau tient ainsi tout seul debout, grâce à ce procédé relativement casse-gueule, brinquebalant et à vrai dire très risqué, mais c'est peut-être aussi justement pour ça qu'il fascine autant.
Les trois premiers singles de Rubaiyat II sont en écoute ci-dessous. L'album sort le 9 octobre sur Human Pitch.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.