En parcourant le fil twitter de Lee Gamble l'autre jour, on est tombé sur ce message: "Hardcore/Jungle originator makes a record in 2013 that sounds like him making records in 1992? HARDCORE HYPERREALISM"; lequel était suivi du lien vers le bandcamp de Manix. On a été intrigués, on a cliqué, on s'est retrouvés face à un étrange artefact de proto jungle old skool comme plus personne n'en fait depuis... 1992.
L'artefact en question porte le nom figuratif de "Living In The Past" et est signé Manix, l'un des pseudonymes de Marc 'Mac' Anthony Clair qui est en outre le fondateur du label Reinforced Records, membre de 4Hero et pilier de la jungle depuis que la jungle existe. Voilà, c'est dit. C'est pour fêter les 20 ans de son label que l'artiste a décidé de revenir sous son vieil alias: l'idée lui serait apparue alors qu'il dépoussiérait son sampler Akai S950 et son Atari ST1040. Bien lui en a pris. Car malgré une pochette en 3D Amiga croquignolette comme on en avait pas vu depuis l'album de Jacob's Optical Stairway (un de ses autres projets), le bidule est vraiment réjouissant.
On vous le dit de suite, l'écoute de Living in the Past procure de curieux sentiments. L'écouter c'est se plonger dans le passé, à la belle époque du hardcore, celle débordante d'énergie où les rythmes cassés sommairement et les hooks de piano midi diaboliquement entraînants suffisaient à faire défiler le futur devant les mirettes. Manix opère donc un authentique retour au moment zéro de la jungle et c'est plutôt surprenant qu'il le fasse exactement au moment où quelques briscards plus ou moins jeunes comme Paul Woolford et son Special Request de projet, Zomby (Where Were You in 92?) ou Tessela ravalent et tentent de mettre à jour ses breakeats légendaires.
Maintenant, comme on est en 2013, on est en droit de poser la question: ça rime à quoi qu'un vétéran ressuscite sa propre invention visionnaire 20 ans plus tard, quand celle-ci n'a précisément plus rien de visionnaire? C'est d'autant plus troublant que la dizaine d'années qui ont suivi la sortie des premiers maxis de Manix ont vu Marc Mac et Dego faire considérablement avancer leur propre modernité via 4Hero ou Jacob's Optical Stairway. Questions subsidiaires, donc: doit-on tenir la jungle circa 1992 pour un genre dont la beauté est à jamais pétrifiée dans sa forme originelle et doit-on, en vertu du Futur après lequel elle courait, se flageller d'éprouver du plaisir quand des gamins ou des vétérans la recréent à l'identique? La question est délicate et si la réponse vous intéresse, on vous conseille de vous creuser 5 minutes le ciboulot et d'aller voir ce que Lee Gamble entendait en allant chercher Baudrillard et sa fameuse invention de l'hyperréalité pour nous en expliquer l'intérêt. Toute l'étrangeté de ce disque ne tient pas seulement au fait que Manix revienne à son propre art d'antan, mais qu'il se duplique lui-même pour arriver à ses fins.
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