Aux dernières nouvelles, Jim O'Rourke était perdu pour de bon pour la musique. Distrait, ponctuellement déprimé, abattu par le MP3 et les nouveaux habitus de consommation et/ou de production de la musique moderne, le compositeur / chanteur / producteur / ingénieur du son / guitariste / programmateur / label manager / improvisateur / accoucheur / songwriter / sidekick / leader / consultant musical / magicien / inventeur américain, qui figure pour toujours aux firmament des personnalités les plus prodigieuses et - on ose le gros mot - importantes de la musique moderne des années 90/2000 s'en est donc allé au Japon pour apprendre mieux et pratiquer à la perfection le Japonais.
A part ça, pour la musique, les nouvelles depuis 7, 8 ans ont été rares, hasardeuses et souvent étonnantes: il a pris des cours d'enka avec un maître pour l'équivalent japonais de La chance aux chansons, joué aux côtés d'une quantité prodigieuse et totalement aléatoire de musiciens (Keiji Haino et Oren Ambarchi, Chris Connelly, les supertrios super free The Thing et Fire!, le saxophoniste Akira Sakata), fait des groupes éphémères avec Thurston Moore, arrangé et produit un album hommage à Bacharach et troussé quelques chansons pour la poupée Kahimi Karie. Ah oui, en 2009, il a terminé un disque très beau et très bizarre pour son label historique Drag City, mais comme il ne contenait qu'un seul beau et bizarre morceau, le cirque pop ne s'y est pas beaucoup attardé.
En fait, le gros des nouvelles discographiques de l'Américain depuis 7, 8 ans concerne ses monumentales archives. Après huit volumes d'Old News aux Editions Mego, les sept volumes (virtuels) de ces Steamroom uploadés sans crier gare sur Bandcamp par ses propres soins auront donc du mal à faire la une des gazettes indie. Et pourtant. Pour les nombreux jimorourkophiles qui errent dans des tunnels à travers le monde, il y a là de quoi se péter la panse: du live récent et improvisé sur le territoire japonais avec ce qui semble tour à tour être de l'ordinateur, du synthétiseur modulaire et de la guitare et un matos onirique qui court du bruit d'orage au drone, cette discipline musicale et méditative dont il est l'un des rares véritables maîtres dans notre triste monde. Le volume 4 notamment nous est tombé dans l'oreille comme un scud dans une montagne: une quinte de fréquences sous le coude, O'Rourke nous refait le coup du terrible et grandiose Happy Days, cet opéra-bourdon pour bruit et vielle à roue qu'on aurait rêvé d'entendre en tapis derrière le Michael Kohlhaas d'Arnaud des Pallières. Plutôt que d'aller dépenser notre paye en conneries sur Boomkat, on téléchargera donc celui-là et tous les autres, "dans la meilleure qualité possible", dans le pire des mondes possible.
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