Il y a quelque chose de livide dans la musique de Daniel Lopatin. Rappelez-vous, on avait notamment relayé son grand plongeon dans les limbes cypernétiques et avoué le crash de nos petits cerveaux face à l'abîme de dépression qu'il nous servait il y a quelques mois en prélude de son prochain album, R Plus Seven.
Il se trouve que le droneur vient juste d'en uploader un nouvel extrait et qu'il y franchit un nouveau pallier dans sa quête du tout-clinique déshumanisé : décontextualisation des échantillons sonores, nappes synthétiques glaciaires, absence de rythmes, modulation des sons organiques en cadavres inertes etc. Et en l'absence quasi-écoeurante de point d'arrimage ou de matière vivante, Lopatin errige une cathédrale de vide où l'espace vacant est paradoxalement écrasant.
Mais en dézoomant un peu, on comprend qu'OPN propose une représentation abstraite de l'expérience sonore partielle, altérée par son environnement d'écoute. Alors que l'objet audio se donne à écouter comme une épreuve totale, l'auditeur n'en perçoit qu'une partie et en agrège en quelque sorte le contenu. Si la musique de Lopatin est à ce point fantomatique et fragmentée, c'est parce qu'elle est une musique de crise, qui expose ses propres interrogations sur l'intégrité de l'expérience acoustique à notre temps si compliqué (par sollicitude pour le lecteur, on évitera d'utiliser les gros mots type "digimodernisme" mais on y pense).
On précise que ces pensées théoriques un peu sévères, un peu absconses viennent de cette interview du garçon lui-même. Et de réaliser que si tout le monde ne comprend pas où il veut en venir avec ses disques de plus en plus singuliers, lui sait très exactement ce qu'il veut faire. L'album sort le 30 septembre chez Warp Records. Et on n'oublie pas son passage au Trabendo le 27.
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