Organisatrice de raves au bord de la Mer Noire et proche du collectif ukrainien KroKro crew, DJ Alina joue exclusivement un genre de musique dont vous n'avez sans doute jamais entendu parler : la hardvapour. Dernier rejeton en date de la très vivace et très réactive communauté "post-internet music", ce chaos informe d'images et de micro-genres à peu près impossibles à comprendre de l'extérieur, la hardvapour n'est pas à prendre comme un nouveau genre de musique mais plutôt comme une preuve de l'espace de liberté que peut représenter Internet pour les musiciens.
Présentons-là alors, pour faire simple, comme le dernier micro-genre né sur Internet après (au hasard) la distroid ou la vapourwave, ces sous-genres diffusés essentiellement grâce à Soundcloud ou Bandcamp qui ont été les témoins de l'évolution logique de nos comportements en ligne et qui se distinguent toutes par leur intérêt pour l'hybridation des genres, les satires du capitalisme et une forte culture DIY.
Hardvapour: A Documentary
02:38
D'après les déclarations d'intention qu'on peut lire
ici ou
là, la hardvapour est née le lendemain de la proclamation de la mort de la vapourwave, suite
aux divers articles dans la presse grand public qui lui ont été consacrées. Si vous n'avez toujours pas compris ce que le genre hardvapour englobe, ne vous inquiétez pas : le temps que vous y compreniez quelque chose, les gamins qui la font seront sans doute déjà passés à autre chose. Ce qui compte, c'est qu'elle est une preuve de plus des capacités d'Internet à fédérer des rassemblements inédits de formes musicales toujours plus curieuses.
Après avoir sorti un album sur Antifur,
label basé à Mykolaïv, au
sud de l'Ukraine, DJ Alina revient avec MANIAX sur un autre label énigmatique de ce nouveau genre, Dream Catalogue, basé à
Londres. Comme la plupart des références du label, l'album se veut manifeste. Selon l'
Urban Dictionary, la musique vapourwave se définissait comme une "
ironie du capitalisme créée à partir de samples de publicités et de télécommunications". Dans les morceaux de hardvapour, ces paysages sirupeux ont muté en des visions apocalyptiques créées par des commutations de sons stridents et des nappes synthétiques obscures. Dans ce marasme chaotique et angoissant, DJ Alina produit un mélange de dubstep, de drum'n bass et de musique industrielle qui prend les tripes et tends vos nerfs comme si votre peau vous était arrachée à l'aide d'un sécateur rouillé. Voilà de quoi vous figurer l'esprit de ce que serait censé représenter la version "hard" de la vapourwave.
Dès lors, qu'est-ce que la hardvapour et pourquoi vous somme-t-on aujourd'hui de vous y intéresser? Énième micro-genre dont la liste des signes extérieurs de reconnaissance n'expliquerait rien, il exprime plutôt la volonté d'une communauté en ligne de rester
underground qu'une nouvelle manière de produire de la musique, ce qui n'empêche pas ses artisans de se fédérer très fort autour d'un nom, d'une identité commune, envers et contre tous, amis et ennemis compris. Ou pour le dire autrement, l'important, c'est que ça existe.
MANIAX est disponible sur le bandcamp de Dream Catalogue et s'écoute en entier ci-dessous. Et pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la vapourwave, regardez le documentaire qui explique sa genèse
ici.