La première fois que je suis tombé sur une chanson de Sida, c'était sur la désormais fameuse (d'aucuns diront séminale) compilation gratuite Chanson Française Dégénérée proposée sur le Bandcamp de la Souterraine (avec Sardou qui fait un doigt sur la pochette). Sur le morceau "Poucave", le groupe plus ou moins lié aux pas très joyeux drilles de la Triple Alliance de l'Est (le guitariste est le gars qui se cache derrière le projet synth et mort Ventre de Biche) pratiquait une sorte de no wave racée, un peu titubante, un peu hara kiri, à mi chemin entre la moue rieuse de Lizzy Mercier Descloux et l'inconscience harpie de UT. Depuis, j'ai eu un peu de mal à retrouver ce sentiment canaille dans leur rock déchainé, qui, s'il n'est pas pour me déplaire, s'approche désormais plus de la violence de SIC que des trouées arty à la Glenn Branca - leur premier album qui arrive dans un mois en atteste.
J'aurais peut-être dû me pencher sur le cas de la chanteuse Maïssa D plus tôt. Car sur son album sous le nom de Théorème qui parait cette semaine chez Bruit Direct Disques, on y retrouve ce sens de la bizarrerie qui caractérisait les premiers morceaux de Sida, mais cette fois déployé de manière moins sauvage, plus insidieuse, ce qui rajoute à la fois à sa douce étrangeté et à son caractère tellement anguleux et qu'il en devient presque frondeur. Avec une morgue détachée qui n'est pas sans évoquer la dernière franche réussite de l'underground hexagonale qu'est le maxi de Nina Harker (dont on se demande toujours pourquoi il n'a pas fait plus de vagues que ça), l'album de Théorème L'appel du Midi à midi Pile tourne tellement en ce moment dans le casque que je me demande sérieusement si on ne tient pas là l'un des disques de rock français les plus infectieux entendus depuis longtemps.
Et entre ça, le Nina Harker sus-cité et l'essai prodigieux unheimlich qui ne veut rien dire de Heimat paru chez Teenage Menopause en début d'année, on se dit que l'underground de l'underground français dessine ces derniers mois une carte en tous points passionnante, faite de bric à bracs d'idées fulgurantes, de psychédélisme fauché et de langueur vacillante. Toute cette bande construit peu à peu une langue vernaculaire absurde et deterritorialisée qui ne dépassera sans doute jamais le cercle d'initiés (ce qui est bien dommage) mais qui commence, sans en avoir l'air et sans doute de manière totalement inconsciente (ce qui est encore mieux), à faire figure d'autorité et à constituer un antidote bienvenu à des figures rock infiniment plus identifées qui n'en finiront sans doute jamais de s'empêtrer dans des clins d'œil à leurs aînés et des relectures dévitalisées de leurs propres influences.
L'album L'appel du Midi à midi pile de Théorème sort cette semaine chez Bruit Direct Disques. Vous pouvez le commander ici. Le morceau "Moyen Age" est en écoute ci-dessous :
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