Shelter Press, maison de grand goût, prend la parole en cette rentrée avec un objet courageux. Et quel objet. Si d’aucuns s’échangent la nouvelle d’un « nouveau SOMA de Sunn o))) sur je-sais-plus-quoi du patinage artistique je crois, ça à l’air gueudin », les bruits de couloir ne rendent pas justice à la beauté du projet dans son ensemble. Et quel ensemble. Tiré d’une chorégraphie sur glace de Giselle Vienne, orchestrée par Stephen O’Malley, Eternelle Idole est devenu Eternal Idol, double LP accompagné d’un photobook signé Estelle Hanania. Et quoi de mieux – nous vous posons la question - qu’un objet qui a tout du fétiche (à la gloire d’O’Malley autant que de l’objet d’art) pour aborder le statut d’Idole? Cette sortie – et son idée, avant même examen de sa réalisation - est en soit une réussite totale.
Quoique que produise Stephen O’Malley, cela éveille toujours un bourdonnement curieux autour. Le bruit d’une foule interdite et fascinée, s’attroupant toujours plus nombreuse autour de cet intrigant monolithe. Mais qu’est ce que l’on distingue encore au milieu de la clameur? Un artiste que l’on cueille toujours dans la fleur de l’âge créatif. Ces temps-ci, Stephen tient à nous présenter tous les O’Malley, ses digressions actuelles alimentant une parole forte. Après le splendide Gruidés chez DDS - majestueux compositeur du nouveau monde pour l'Orchestre des Nouvelles Créations, Expérimentations et Improvisation Musicales mentionné ici - voici que réapparait une autre orchestration, celle-ci fraîche d’il y a trois ans. Jamais éditée, cette œuvre a pourtant le mérite d’affirmer une vérité terrible sur O’Malley (ou sur nous en fait) : on le reconnaît plus qu’on ne le connait. Tant mieux.
Dans ces circonstances, résumer la chose à du « O’Malley au modulaire » est tout à fait imagé mais élude grande partie de la richesse de l’œuvre. Outre le sentiment de « parler bécane », ce genre de synthèse ne raconte pas avec quelle parcimonie il fait usage de la musique concrète, de pensées d’avant-garde, de bidouillages divers, de morceaux de genres (black metal, drone, bruitiste, dark ambient) qu’il condense et articule entre ses doigts selon les besoins de la narration. Une narration si forte et spontanée que l’on ignore d’ailleurs qui a généré l’autre : la musique ou la chorégraphie.
Ce qu’O Malley pose ici est plus qu’un trait soulignant le propos. Outre le rôle qu’elle tient, outre sa part dans la mise en scène et sa présence dans la dramaturgie, la composition d’OrMalley est un halo suivant la patineuse. Il la protège, l’isole de l’obscurité hostile sur son parcours, la fige dans la lumière et l’élève au rang « d’éternelle d’idole ». Qu’on se le dise, O’Malley a composé une messe. C’est lui en faiseur d’icône, renouant avec sa mystique, que l’on retrouve ici dans toute sa superbe. À l’instar de chacun de ses projets, celui-ci aussi devait comporter une dimension rituelle.
Sans paraphrase, O’Malley cherche à renforcer le propos de Giselle Vienne, son travail sur la force et la fragilité du corps - cette grâce, cette adresse, cette maitrise de l’émotion par le corps que le corps peut trahir en s’effondrant. Giselle Vienne qui résumait son questionnement aux « liens qu’entretiennent les notions de perfection et d’imperfection avec la beauté ». Au-delà de la mystique, c’est certainement la lecture la plus frappante du travail d’O’Malley.
Eternal Idol est d'ores et déjà disponible à l'achat via le site de Shelter Press. Si vous avez raté le premier pressage, un second est prévu pour octobre.
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