A priori, Vortex ne partait pas en pole position dans la course aux rééditions. Débarqué de nulle part (le nord de la côte ouest américaine), produit par un inconnu au patronyme pas loin d'être générique (combien de Paul Nelson sur la Terre?) et pressé à compte d'auteur à 1000 exemplaires en 1981, le seul et unique album de Paul Nelson ne brille surtout pas par son originalité dans le bois de la musique synthétique américaine. Chez les diggers fans du genre, le disque n'est ni honni, ni inconnu, mais on se le procure surtout sur le Marketplace de Discogs pour sa back cover totalement, euh, lunaire, où l'Américain a la tête posé sur un synthé. En fait, le souci deVortex n'est ni d'être merveilleux ou atrocement kitsch, mais d'avoir le cul entre deux chaises: la queue de comète de la musique planante des années 70 d'un côté et la synth pop clinquante des années 80 de l'autre.

Mais la manne des pépites oubliées commençant à sérieusement se dessécher, les gens de Medical Records (rééditeurs de moults pépites italo, synth wave et des deux meilleurs Tony Carey) ont tout de même pris l'initiative de se coller à la réédition de luxe (vinyl 180 grammes coloré et tout le tralala); et à le réécouter en version remasterisée plutôt qu'en rip poucrave de LP rincé, on se dit qu'ils n'ont sans doute pas tort. L'album n'a bien sûr ni la grâce d'un Michael Garrison, ni la force d'évocation d'une Suzanne Ciani ou la folie d'un Tony Carey, mais il a ses moments forts: l'ouverture "Automated Man", bien sûr, sorte de proto synth pop pétée qui évoque à la fois un Kraftwerk outré et la hi-NRG de Patrick Cowley; "Vortex 2", écho d'Equinoxe plein de soli croquignolets; "Labyrinth", enfin, sorte de Moroder rincé dont les nappes bien amples rappellent (un peu) le meilleur de Ryûichi Sakamoto deuxième période. En tout et pour tout, un petit album solide pour se rappeler, encore une fois, à quoi ressemblait le futur de la pop en 1981. Ça se procure maintenant, tout de suite, pourquoi pas ici en même temps que ça.