Prurient - Cocaine Daughter (Hospital Productions)
On rentre et s’enfonce dans n’importe quel projet de Fernow avec le même sentiment qu’un imprudent dans un bois hanté de conte. Sauf qu’ici, point de fée ou d’happy ending. Juste un dresseur de bruits blancs songeant à marier ses tempêtes aux érosions d’une bande magnétique. C’était beau, tout le monde était en blanc, la Cocaine, sa fille, le bruit. Cocaine Daughter est une incarnation de la douleur, un couteau remué dans la plaie. Une longue égratignure rappelant l’histoire du fou qui se cognait la tête contre les murs. « Pourquoi tu te cognes la tête contre les murs, le fou ? » « Parce que lorsque j’arrête, ça fait du bien ». Alors on rembobine la cassette parce qu’au bout de la bande, ça fera du bien. MD
Throwing Chunks "Dirty" (Cruel Nature Records)
Il y aura toujours quelque chose de réjouissant à découvrir une obscure formation sortie d’on ne sait trop où (on imagine de derrière les fagots), prompte à flatter dans le sens du poil nos besoins et nos envies de mélodies sucrées-salées, de chansons qui ne tiennent sur pas grand-chose, un peu branques, un peu brinquebalantes, bricolées avec trois fois rien et qu’on a l’impression d’avoir entendu mille fois, mais qui marchent à tous les coups – sur le charme, sur cette espèce de connivence immédiate qu’elles forment avec l’auditeur. Cette cassette des inconnus au bataillon Throwing Chunks (un nom fort à-propos), intitulée Dirty (décidément), rentre parfaitement dans cette catégorie. Editée à seulement 35 exemplaires (on imagine de manière artisanale), c’est un condensé de dégueulasserie joyeuse érigée en joliesse, de faux hymnes surf goth totalement bancals, sortes de friandises acidulées qui collent et qui irritent le palais. Toujours réjouissant de voir qu’en 2016, malgré les reformations de croutes rock caduques et l’éventuelle prochaine daube de Lotic en vue, loin, très loin derrière le marasme musical ambiant, on trouve toujours des gamins à la traine pour qui enregistrer de délicieuses petites douceurs cracras sur un 4 pistes pourri semble être quelque chose d’absolument vital et urgent. MAB
Acid Fountain "Aitana" (Hylé Tapes)
Ce qu’on aime avec le label Hylé Tapes, outre que ce sont parfaitement charmants, c’est qu’ils sortent régulièrement des cassettes de bon goût et de bonne tenue, et qu’ils sont toujours du coup à même de figurer dans la revue du même nom chez The Drone. Et puisque ce mois-ci, on est dans le douillet, dans le confortable et la convivialité, entre les sorties des désormais habitués No Lagos, les formules garage pop éternelles, restons-y, il y fait bon et on s’y sent comme dans un cocon. La nouvelle cassette d’Acid Fountain, projet du taulier du label Richard Frances, a quelque chose de l’ordre de l’electronica céleste, ambient délavé et de la techno dissonante juste ce qu’il faut. Mi-cristallin, mi-crado, ce nouveau petit ouvrage, tout en délitements de textures et en contrepoints duveteux, devrait vous permettre de passer l’hiver en vase clos, isolé du reste du monde et parfaitement hermétique à votre environnement extérieur. Et on trouve ça très bien. MAB
mamiedaragon "nilisme" (No Lagos Musique)
En plus d’avoir récemment sorti les singles infinis (soit des "cassettes audio et bandes magnétiques bricolées avec des ciseaux et du scotch pour tourner à l'infini contre l'état d'urgence et son monde"), une mostla tape, et d’être apparu sur celle du Turc Mécanique (judicieusement intitulée méca-mostla-nique tape), les petits sacripants de No Lagos récidivent avec la sortie de nilisme, la dernière cassette de mamiedaragon qui regroupe comme de coutume diverses captations et bruits de la vie enregistrées au gré du vent. Groupe phare du label regroupant des camarades de labels dénichés chez Areva, Mariachi, Qonicho B, et notre cher Thomas en monsieur loyal post punk post wave post tout de tout ce bazar, Mamiedaragon c’est, pour ceux qui n’auraient pas suivi, des collages de cassettes, des cassettes de bruits, des beurrées de barouf et des bandes jouées à l’envers, à l’endroit et de travers. À noter que le groupe est décidément dans les petits papiers de notre bon vieux Charles Crost du Turc Mécanique, qui a récemment déclaré que mamiedaragon pouvait offrir "l'un des lives les plus dangereux, explosifs, incontrôlables qu'il vous sera donné de voir". Mais bon, d’un autre côté il est fan de Mustang, donc on ne sait pas trop. Je vous invite plutôt à aller juger sur pièce, dans les bonnes caves de Paris, de France et de Navarre. MAB
Eye "Fou de Bossa" (Waving Hands Records)
Il faut absolument réhabiliter l’orgue Bontempi. Cette marque italienne d’instruments bons marchés, a pendant des années été condamnée à servir de meuble à pas mal du supermarchés, de jouets pour enfants ou d’utilisation ironique par des trucs pas très recommandables du genre Stupeflip ou Didier Super (en gros pour dire "coucou, je suis régressif"), ce qui a forcément amené un moment donné pas mal de critiques musicaux pas très inspirés à le sortir à tort et à travers pour décrire un son de synthé cheap et pas très inspiré (vous voyez l’ironie du truc ?). Il n’empêche, on sait tous désormais que l’utilisation de matière rudimentaire peut amener son lot de poésie et d'inventivité sonores (c’est même souvent intimement lié). Laurène Exposito l’a bien compris, elle qui utilise exclusivement le Bontempi Eclipse sur son nouvel EP cassette. Deuxième sortie de son projet Eye sur le label rennais Waving Hands Records, Fou de Bossa a de plus le mérite de ramener de la couleur, des cocotiers et un semblant de easy listening dans l’esthétique trop engoncée dans sa raideur du revival minimal synth de ces dernières années. Tant mieux. MAB
All Night Wrong "s/t" (SVN SNS Records)
Après la minimal synth de Micro Cheval, la synth pop faussement triomphante, vraiment uncanny de Terror Bird, vous avez enfin gagné, SVN SVS Records. Down-tempo, voix d’outre-tombe, relents de drum’n’bass caverneuse, incursions dans l’occulte, les trains fantômes passés au mixeur et les titres de chansons qui font lever les sourcils (Maximum Torso, Self-Proclamed Psychic) : avec All Night Wrong, je suis définitivement perdu. MAB
Robert Donne, Stephen Vitiello, and The OO-Ray - Nuvole (Geographic North)
Robert Donne, Stephen Vitiello et The OO-Ray, une affiche qui refuse d’en avoir l’air. Le premier est un pionnier du math rock (dont le groupe est souvent cité par Battles) et un rocker de l’ambient de carrière présent chez Kranky depuis vingt ans (au sein de Labradford et Anjou). Le deuxième est un artiste sonore de renom, vu au MoMA ou à la Fondation Cartier comme chez ROOM40. Et le dernier fait du shoegaze au violoncelle, chose (relativement) amusante. Les trois réunis proposent deux longues errances en ombres chinoises, drone rauque et ambient inquiet. MD
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