La musique électronique de pointe et la musique baroque, c'est une histoire d'amour vieille de 50 ans. Avec la grande mélomanie qui vous caractérise, lecteur adoré, vous n'êtes effectivement pas sans savoir qu'au moment même où des musiciens (Nikolaus Harnoncourt en premier) en quête de vérité musicologique - et de beauté - initiaient l'authentic performance sur instruments anciens, Walter Carlos (future Wendy) inventait avec l'étroite collaboration de Robert Moog un sous-genre immense de la novelty music en interprétant une poignée de highlights de Jean-Sébastien Bach sur synthétiseur modulaire.
Presque 50 ans plus tard, l'âge d'or du contrepoint n'a pas fini de fasciner les practiciens de musique électronique, peu importe leur champ d'investigation. Ainsi le duo parisiano-bruxellois Plapla Pinky, décidément très à l'aise entre les lignes et les territoires (du harsh noise à la house), en fait la matière et l'horizon de son deuxième disque officiel qui vient de sortir sur le tout jeune label Kuntur, le fascinant Succession. A des lieux des recontextualisations pop, dansantes et postmodernes (post Wendy Carlos, donc) des excellents Scarlatti Goes Electro, Raphaël Hénard et Maxime Denuc y "réinterprètent" 5 oeuvres de Pancrace Royer (c'est sa bouille ci-contre), Jean-Philippe Rameau, Charles Piroye et Jean-Sébastien Bach en invoquant quelques-uns des artifices les plus perfectionnés de la musique électronique de recherche: synthèse de pointe, filtres maison, surlignages subtils et impressionnistes à base de field recordings comme dans les grandes oeuvres "pop" de Bernard Parmegiani.
Et si le geste est difficile à expliquer - de fait, les 5 oeuvres font l'objet de 5 dispositifs différents - il semble surtout scrupuleux. Admirateurs évidents de ces quatre pionniers du XVIIIème autant que de Michel Berger et Balavoine, Surgeon, Roberto Hood, Errorsmith, Ghedalia Tazartes ou Parmegiani, Plapla Pinky avancent parallèlement sur deux axes: ils étendent le domaine de la lutte entre baroque et modernité, en même temps qu'ils font faire un pas de géant à leur propre musique.
Si les questions que vous posent cet étrange objet vous enthousiasment plus qu'elle ne vous donnent envie de casser une chaise sur la tête d'un musicologue, prenez donc une petite demi-heure pour écouter Succession en entier, et enchaîner directement avec le très intrigant Dronecast qu'ils nous ont soumis il y a une dizaine de mois.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.